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communiqué la lettre de Hohenzollern et approuvé, c’est peu. Figurez-vous que je ne me console pas de ce mot de ma réplique de tantôt. Cela me navre de penser qu’on pourrait croire que j’ai voulu vous nuire. C’est si loin de mon cœur et de ma pensée. Tout à vous. » Il faisait allusion à ses paroles dédaigneuses sur les bruits de couloirs qu’on aurait considérées comme me visant. Le texte des télégrammes de Benedetti n’était pas joint à ce billet. Je répondis immédiatement : « Cher ami, je suis heureux du mot de votre réplique, puisque cela me permet d’apprécier et d’aimer davantage votre cœur. Ne songez plus à cette misère. Je ne trouve pas que le approuvé soit peu, rapproché surtout de la dépêche qu’Olozaga vous a communiquée. Ne vous engagez pas, même vis-à-vis de vous-même, avant discussion entre nous. Tout à vous. »

A Saint-Cloud, Gramont s’était heurté à Jérôme David, qui y avait dîné. En vérité, on eût dit qu’il était venu rendre compte d’un mandat et recevoir des félicitations. Gramont fit observer à l’Empereur que ce dîner, quelques heures seulement après la séance de la Chambre, produirait une mauvaise impression, et, en effet, les journaux de la guerre l’annoncèrent le lendemain avec triomphe. L’Empereur répondit que l’invitation venait de l’Impératrice et qu’il n’avait cependant pas pu renvoyer Jérôme David. De retour à Paris, très tard, Gramont s’empressa de m’informer du résultat de sa visite par le billet suivant : « Mon cher ami, je reviens de Saint-Cloud. L’indécision est grande. D’abord la guerre. Ensuite le doute à cause de cette approbation du Roi. La dépêche espagnole pourra peut-être faire pencher vers la paix. L’Empereur m’a chargé de vous prier de faire savoir à tous nos collègues qu’il les attend à dîner demain à sept heures, pour tenir un Conseil dans la soirée. Tout à vous. »

Ici encore, Gramont parlait en ambassadeur plus qu’en ministre responsable. Sans doute l’opinion d’e Saint-Cloud était de quelque importance, mais la mienne et celle de mes collègues ne l’étaient pas moins et, à cette heure et dans cette nuit du 13, il n’y avait dans mon esprit aucune espèce d’incertitude : le roi Guillaume avait répondu avec une netteté qui ne laissait rien à désirer ; il nous avait communiqué la renonciation par Benedetti en déclarant qu’il l’approuvait ; Olozaga nous notifiait une adhésion sans réserves ; à moins d’être de mauvaise foi, on était obligé de convenir que cette double acceptation de la Prusse et de