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LA DEMANDE DE GARANTIES


I

La manière dont Bismarck apprit l’effondrement de son plan est presque tragique. De la solitude où il était allé attendre l’explosion de sa mine, tenu heure par heure au courant par Abeken, il suivait d’une attention de plus en plus inquiète, puis irritée, ce qui se passait à Ems entre Benedetti et le Roi. Il avait été furieux que le Roi eût reçu notre ambassadeur avant d’avoir obtenu réparation de ce qu’il appelait les injures de Gramont ; qu’il lui eût avoué sa participation à la candidature et les négociations avec le prince Antoine et lui eût promis, si Léopold se décidait à la retraite, de l’en instruire. C’étaient des concessions, et il aurait dû n’en accorder aucune, éconduire le négociateur au premier mot, non se prêter à une discussion quelconque. Il craignait que, sous l’influence pacificatrice de la reine Augusta, le Roi n’inclinât les princes à abandonner la partie. Quoique persistant à maintenir la candidature, il était tellement sûr de son candidat, si le Roi ne l’influençait pas, qu’il insistait pour qu’on ne s’occupât point des Hohenzollern et qu’on les laissât libres de leur décision[1]. Il voulut couper court aux compromissions et arrêter le Roi sur la pente où il glissait. Il lui écrivit que, sa santé lui permettant de voyager, il était prêt à se rendre à Ems sur l’ordre de Sa Majesté. Le Roi lui envoya cet ordre, et Bismarck se mit en route le 12 au matin, ayant

  1. Lettre du Roi à la Reine du 12 juillet 1870.