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belles « whig » par Lawrence. Aujourd’hui, qui se souvient de ces disputes ? Le mot que, dans le délire, Gainsborough mourant disait à Reynolds accouru à son chevet : « Nous irons tous au ciel et Van Dyck sera du voyage ! » se réalise : les voilà tous réunis et réconciliés dans le paradis de la gloire, et Ton voit bien, en effet, que Van Dyck leur a fait faire la moitié du chemin… Après avoir rapproché ces femmes, après avoir rapproché ces peintres, le temps a rapproché les deux nations. Sans doute les hommes y sont pour quelque chose, mais les hommes, lorsqu’ils tentent de telles entreprises avant l’heure, ne font pas mieux que les chevaliers de la fable qui voulurent, avant les cent ans-écoulés, réveiller la Belle au bois dormant : ils s’empêtrent dans les broussailles, s’enlizent dans les marécages et n’éveillent rien. Celui qui arrive quand l’heure a sonné, fût-il le moindre de ces chevaliers et le plus petit, remplit le plan providentiel non parce qu’il y besogne mieux, mais parce que les fossés sont comblés, et les barrières vermoulues. Cette « entente cordiale, » dont l’exposition des portraits anglais et français offre le symbole, a été bien des fois tentée et sans doute plusieurs des belles dames de Drouais ou de Mme Vigée-Lebrun, que vous voyez ici, ont porté, durant une saison, la coiffure extraordinaire dite à l’Union de la France et de l’Angleterre. Mais jamais les foules des deux pays ne s’étaient mêlées comme elles se mêlent aujourd’hui au Jeu de Paume. On a vu, sur cette même place de la Concorde, toute l’Europe, chantant le Te Deum après la chute de l’Empereur. Ainsi vinrent les fils ou les frères des dames que nous voyons peintes ici. Aujourd’hui, si nous rencontrons, sur cette même place, une Albion si différente, — toujours la même foule avec un autre cœur, — le maître à qui nous le devons, c’est le temps.

Et c’est lui, enfin, qui a réconcilié les couleurs discordantes sur les toiles, fondu les touches heurtées. Horace Walpole ne crierait-il pas de surprise en revoyant ce que sont devenues Ces toiles qu’il a vues jadis dans les ateliers ? Il est bien difficile de comprendre aujourd’hui ce que Reynolds voulait dire lorsqu’il parlait de la hatching manner de Gainsborough ! Où sont ces hachures, ces zébrures, ces touches chaotiques, gauches, que les contemporains voyaient dans ces portraits ? Tout est fondu et réconcilié dans un chaud et glorieux crépuscule. Où sont