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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/764

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toutes les violences, l’espoir de toutes les réactions ; Charles X en raffole : encore un peu de temps, et Donnadieu sera promu peut-être maréchal de France…

Mais après les « Glorieuses, » décadence complète ! Le ministre Gérard met à la retraite ce fusilleur d’enfans, et Donnadieu ne respire plus que haine et que fureur. L’époque est aux pamphlets ; il se fait pamphlétaire. Méchant trousseur de phrases, il outrage tant et tant Egalité second, l’ignoble escamoteur de couronne, le mandrin, le tartufe à tête de poire, — cette grande et noble figure de roi : Louis-Philippe, — qu’un jury d’honnêtes gens condamne cet insulteur à deux ans de prison[1]. Ce fut la dernière aventure d’une existence si bien remplie. Gabriel, vicomte Donnadieu, lieutenant général, grand officier de la Légion d’honneur, commandeur de Saint-Louis, mourut en 1849, plein d’années, sinon de gloire, ayant toujours ignoré le bien, mais inconscient aussi du mal qu’il avait pu commettre… Au demeurant, un impulsif, fils de suicidé.


Fournier sortit du Temple, pour être interné à Sarlat, son pays natal. Il y vécut trois ans, sous l’œil des préfets, des commissaires et des gendarmes, s’irritant, se désespérant. A la fin, l’Empereur leva les arrêts et lui rendit son grade. « Dans votre affaire, je veux un baptême de sang ! » lui dit alors Napoléon. L’ « affaire, » c’était le dispetto à l’italienne, ce geste injurieux, incongru, dont l’homme aux hanches sculpturales avait gratifié Bonaparte[2]. Le sang qu’on lui demandait, il le prodigua. Colonel, général de brigade, puis de division, mais toujours cavalier battant l’estrade ou fonçant sur les baïonnettes, il chargea à Eylau, Friedland, Lugo, Smolensk, Borodino, la Bérésina, Lutzen, Bautzen, Dresde, Leipsick. La souillure étant bien lavée, Napoléon créa Fournier commandant de sa Légion d’honneur et comte de son Empire. Cependant, en décembre 1813, il le destitua. Pourquoi ? Acte d’indiscipline, révolte contre un maître qu’abandonnaient le bonheur et la gloire ?… Le motif d’une pareille rigueur est resté un mystère…

Avec la Royauté, l’ex-jacobin, comte de l’Empire, se fit

  1. Deux ans de prison, 5 000 francs d’amende et interdiction des droits civils ! Audience de la Cour d’assises du 24 juillet 1837 : procès de la Quotidienne. — Gazette des Tribunaux, no 3705.
  2. Voyez la Revue du 1er juin 1908.