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Bosnie-Herzégovine. C’était, en effet, le point faible des positions du baron d’Æhrenthal ; il lui fallait, là, redevenir demandeur après avoir su si habilement prendre, en face des revendications serbes, l’attitude de défendeur. L’annexion de la Bosnie gardait, au moins en droit, un caractère précaire tant qu’elle n’avait pas reçu la consécration des grandes puissances. Ce serait une erreur de croire que le Cabinet austro-hongrois ait redouté la conférence ; il l’a au contraire souhaitée, mais à la condition expresse d’en circonscrire étroitement les débats et d’en dicter par avance les décisions. Une conférence, réunie dans ces conditions, aurait été une reconnaissance solennelle des faits accomplis, une sorte de blanc-seing donné à l’Autriche et à la Bulgarie, tandis qu’elles ont dû se contenter d’obtenir successivement de chaque puissance un acquiescement plus ou moins formel ; ainsi, ce qui avait été accompli hors du droit n’a pas été sanctionné par un acte solennel du droit public européen.

Durant les premières semaines de la crise, les négociations pour la conférence préoccupent moins les esprits que l’attitude belliqueuse de la Bulgarie. C’est elle qui paraît surtout menacer la paix européenne ; elle mobilise et concentre ses troupes ; formidablement armée, elle peut, en quelques jours, se ruer sur Andrinople, bousculer l’armée ottomane encore désorganisée par la révolution de Juillet et travaillée par des dissensions politiques ; l’opinion publique frémissante attend avec impatience le signal de l’attaque. Le Cabinet de Sofia espérait, en agissant par intimidation, obtenir la reconnaissance immédiate et sans conditions de l’indépendance nationale ; mais il avait compté sans le nationalisme ardent développé par la révolution de Juillet. En quinze jours, les Jeunes-Turcs concentrèrent des troupes entre Andrinople et la frontière ; le gouvernement bulgare, qui avait espéré qu’il lui suffirait de brusquer les événemens pour obtenir ce qu’il souhaitait tout en évitant la guerre, allait se trouver acculé à un recours aux armes. Dans cet embarras, le roi Ferdinand, mieux éclairé que son peuple sur les périls et les inconvéniens d’une guerre, adressa au Président de la République française un télégramme où il faisait appel à son entremise pour amener un arrangement entre la Bulgarie et la Turquie (16 octobre) ; il s’y déclarait prêt à indemniser pécuniairement le gouvernement ottoman et la Compagnie des chemins de fer orientaux. On sait comment l’intervention du gouvernement français produisit la détente