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LE DON


J’aurais pu, comme un autre, à la panse du vase
Dessiner d’un beau trait la figure des Dieux :
Mars irrité, Bacchus, Apollon radieux,
Neptune et son trident, Mercure et son pétase ;

Ou bien, sur la paroi dont le contour s’évase,
J’aurais pu te montrer, pour réjouir tes yeux,
Les Trois Grâces avec le chœur mélodieux
Des Neuf Muses qu’à la fontaine suit Pégase.

Mais, sachant ton respect des lignes, j’ai voulu
Qu’il se dressât en sa beauté, debout et nu,
Sans que dansât autour la Nymphe ou le Satyre,

Et si pur en son galbe éloquent et sacré
Que tu crusses, en regardant son flanc pourpré,
Entendre un chant d’amour aux cordes d’une Lyre !


LA ROSE


En voyant mourir cette rose
Dans ce vase de bronze obscur,
Je songe à sa pareille éclose
À l’ombre tiède du vieux mur,

Dans ce doux jardin de septembre
Que, du Palazzo Venier,
Par la fenêtre de ta chambre,
Nous contemplions, l’an dernier.

Et c’est l’automne de Venise
Qui renaît en mon souvenir
Avec sa grâce où s’éternise
L’été qui ne veut pas finir.

Je te revois sur la lagune,
Glissant comme en un ciel marin,
Ainsi qu’un noir croissant de lune,
Gondole, quartier d’astre éteint !