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juridiction prend le nom de Juvenile court, tribunal juvénile. Voilà la règle nouvelle. En fait, le tribunal spécial, dans l’Illinois comme dans les États qui l’ont si vite imité, ne comprend qu’un seul juge. Les audiences se tiennent ou dans une salle spéciale, ou dans la salle ordinaire, mais alors à certains jours ; le public n’y pénètre pas ; l’enfant, même, n’a pas d’avocat, puisqu’il est devant son tuteur, non devant son juge. Dans cette comparution, qui se réduit à un tête-à-tête, le magistrat ne s’inspire que de sa conscience et de l’intérêt de l’enfant. D’ailleurs, seul à décider, il est seul aussi à faire l’instruction, et souvent même à surveiller l’exécution de sa sentence. La spécialité est complète : un juge pour les enfans, qui ne s’occupe que d’eux, qui est seul à s’en occuper.

Que peut-il décider ? C’est le second point, l’objet essentiel de la campagne réformiste de Chicago. Aucun magistrat ne peut envoyer à la prison un enfant âgé de moins de douze ans. La séparation entre les adultes et lui est absolue. Ce que le juge a la droit et l’habitude de faire, c’est de le confier soit à une institution d’Etat, soit à une personne respectable, soit à une association ; c’est aussi de le déférer à la Cour d’assises pour l’envoi en correction. Pour les sanctions de la faute, pour la protection de l’avenir, c’est encore une rigoureuse spécialité.

La réforme se complète par une grande nouveauté, l’organisation de cette pratique ingénieuse et hardie que nous définissons en français par les mots de « liberté surveillée. » Sous le nom de probation officers, le juge a auprès de lui des auxiliaires, personnes expérimentées et de toute confiance, qui vont lui servir à tenter une épreuve de la plus décisive importance. La maison de correction ou la colonie pénitentiaire, la Société de patronage ou la personne charitable qui s’offre à recueillir l’enfant, ce sont des ressources, assurément, pour lui épargner la prison, pour le sauver des dangers de la rue, mais ressources exceptionnelles et qui doivent rester telles. Où donc est-il naturel que l’enfant vive et grandisse ? Dans sa famille. Et, de même, il est naturel, il est nécessaire qu’il ne soit pas simplement préservé des contacts mauvais, mais qu’il apprenne à se servir de sa liberté, puisque, à vingt et un ans au plus tard, il sera libre. Or, tout de suite, on veut que, dans sa famille même, il fasse cet apprentissage. Cela ne va pas sans de sérieuses précautions ; il faut que la famille offre des garanties de moralité,