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le 31 août, les officiers municipaux d’Aurillac avaient demandé que l’intendant « eût égard à la disette du bailliage, quand il viendrait faire le département des tailles. » Depuis, les causes de misère s’étaient multipliées et l’hiver rigoureux de 1770 venait d’ôter aux paysans jusqu’à l’espérance d’un sort meilleur. Les blés d’hiver étaient détruits par la gelée, qui empêchait de semer ceux de mars ; toutes les racines, telles que carottes, et navets, avaient subi l’atteinte du froid, les fourrages manquaient, et les bestiaux périssaient faute de nourriture.

En vain, le fameux édit de 1764 concernant la liberté du commerce des grains était-il appliqué dans la généralité de Riom. Personne ne songeait à approvisionner des marchés plus ou moins inaccessibles et sur lesquels l’argent se faisait très rare ; aux yeux de bien des gens, la disette, presque générale en France, semblait d’ailleurs convenir à ce pays d’Auvergne dont nous avons déjà noté qu’il passait pour un des plus pauvres du royaume. Vers le mois de mars 1770, les plaintes commencèrent à grossir le courrier de l’Intendance : « La misère augmente journellement par la cherté et la rareté du grain, écrit M. Pages de Vixouses, subdélégué à Aurillac ; la multitude des pauvres qui viennent de la campagne fait une surcharge pour la ville… Le mauvais temps achève de mettre la désolation dans le pays, nos montagnes sont encore couvertes de neige. » M. de Mallesaigne, subdélégué à Bort, affirme qu’ « il n’est pas un grenier public, ni un particulier, si riche soit-il, qui ait du blé. » M. de Montluc, subdélégué à Saint-Flour, mande qu’il y a « dans la partie de Pierrefort plusieurs gentilshommes pauvres qui souffrent de la disette et risquent de périr de misère, eux et leurs familles. » M. Tournemire, subdélégué à Mauriac, fournit l’état des personnes admises au dépôt de mendicité ; lamentable relevé : il y a là, pour un tout petit pays, 29 indigens, dont 4 ayant plus de soixante ans, 4 de quarante à soixante ans, 3 de vingt ans à quarante : les autres sont des enfans abandonnés, dont l’âge varie entre trois et dix-sept ans ; et, au regard du nom de chacun d’eux, figure la mention : n’a que sa mère, qui est hors d’état de le faire subsister.

Puis, viennent les avertissemens officieux et les doléances privées ; un particulier, M. Mionet, écrit, de Thiers, le 1er juillet : « La plupart des petits habitans épuisés sont réduits à mesurer leur pain par onces ; d’autres y suppléent par des alimens qui