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spéculations du commerce ; mais il serait à désirer que l’on voulût bien faire distribuer aux sujets indigens quelques grains qui ne sont point un objet ordinaire de commerce, du riz par exemple. » En même temps, il adressait au sieur Doumère, négociant, rue Neuve-Saint-Eus tache, à Paris, un questionnaire sur le riz, son prix, ses qualités nutritives, son mode de rationnement ; le sieur Doumère répondit qu’« on donnait, dans l’Inde, huit onces de riz à la viande pour nourrir un homme, et une livre, lorsque le riz n’est qu’à l’eau. » Mais M. Maynon Dinvau ne répondit » pas, et ce fut seulement de son successeur, l’abbé Terray ; que Montyon obtint, le 4 janvier 1770, l’allocation d’une certaine quantité de riz.

Aussitôt commence une nouvelle série de difficultés : on devait amener le riz en Auvergne, en le faisant naviguer sur l’Allier, et les paysans étaient tenus de le venir prendre au débarquement, avec leurs voitures. Mais la plupart d’entre eux ne possédaient pas de voiture ; d’autres n’avaient plus d’attelage ; ceux-ci étaient empêchés de faire cent pas par le mauvais état des chemins ; ceux-là s’entêtaient à refuser un aliment dont ils n’avaient jamais goûté, et auquel ils préféraient délibérément « du pain de son ou des écorces d’arbres. »

C’est alors que Montyon conçut l’idée d’employer ces pauvres gens, d’intelligence confuse et de volonté désemparée, à quelque travail facile qui leur rapportât de quoi vivre à leur accoutumée, et qui les tirât de leur sombre inaction, tout en profitant au bien public. Voici comment il résumait lui-même le plan qu’il avait formé.

« J’ai cru devoir, dit-il, partir de ce principe que le Roi n’était ni assez riche, ni assez puissant, pour secourir la multitude immense des indigens ; j’ai donc distingué les pauvres en valides et en invalides. Aux invalides, j’ai assuré la subsistance par le moyen de distributions de grains et principalement de riz ; aux valides, j’ai procuré des travaux publics, et m’en suis bien trouvé. L’aumône devenant le prix du travail, et le salaire étant médiocre, on est en effet assuré qu’il ne sera rien donné que vu le besoin réel… La soumission au travail pour une rétribution est le certificat le plus constant de la réalité du besoin. »

Lorsqu’il s’agit d’exécuter ce programme, Montyon révèle complètement son génie pratique et donne libre cours à sa préoccupation du détail. Avec presque tous les intendans du