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conduit à prolonger mon effort ; et c’est à cause de cela que, aujourd’hui encore, je regarde avec plaisir les fatigues que j’ai dépensées au service de mon art, pendant une si longue série d’années !


Paroles infiniment touchantes, dans leur naïveté, et qui suffiraient à nous révéler toute l’âme adorable de cet « amuseur ! » Mais, en outre, de quelle portée prophétique les années se sont chargées de les revêtir ! Oui, en effet, tout au long de ce siècle écoulé depuis la mort de Haydn, aucun art n’a offert aux hommes, autant que celui-là, une « source » précieuse « de repos et de réconfort. » De génération en génération, des milliers de cœurs « fléchissant sous le poids de l’occupation ou de la souffrance » sont venus demander un instant de joyeux oubli à cette pure, fraîche, et charmante musique, sans pareille pour chasser aussitôt « le souci et la peine. » Dans ces heures de lassitude accablée où les plus hauts chefs-d’œuvre d’un Beethoven leur apparaissaient trop hauts, où la plainte tragique d’un Schumann les effrayait, et où il n’y avait pas jusqu’au chant de Mozart qui n’éveillât cruellement en eux comme le rêve d’un paradis à jamais perdu, d’instinct ils ont recouru aux sonates, aux quatuors, aux symphonies de Haydn, avec l’assurance d’y trouver le seul remède qui pût apaiser leur mal. Toutes choses y étaient d’une beauté si prochaine, sous un rayonnement de lumière qui avivait et faisait ressortir les moindres détails ! Et quelle simple et franche loyauté dans les émotions, et quel mélange délicieux de science et d’esprit dans la façon de les exprimer ! Jamais, certes, aucune autre œuvre n’a exercé une action aussi bienfaisante, ou, pour mieux dire, n’a joué, dans la vie musicale de nos pères, un rôle plus intime et plus familier. La noble voix qui « murmurait » à l’oreille du vieillard ne l’avait pas trompé : et puisque notre génération « wagnérienne » s’est, malheureusement, déshabituée de puiser à cette « source » intarissable, — où personne, d’ailleurs, n’a bu plus volontiers que Richard Wagner, — il est bon que parfois un prétexte quelconque nous rappelle du moins son existence, en attendant que nos fils se décident, peut-être, à y chercher de nouveau ce qui a jadis, d’âge en âge, consolé et ravi leurs arrière-parens.

Sans compter que le centième anniversaire de la mort de Haydn, indépendamment des fêtes et congrès dont il a été l’occasion, nous a valu une publication artistique d’un intérêt extrême, promise et vainement attendue depuis plus d’un siècle. Par une malechance singulière, il se trouvait que personne, jusqu’à présent, n’avait élevé à la mémoire du vieux maître ni l’un ni l’autre des deux monumens qui lui étaient dus : une histoire documentaire de sa vie et l’édition de ses œuvres