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générale des. retraites ouvrières. Mais ces grands débats ne sont pas encore commencés : nous aurons à en parler bientôt.


L’Europe est encore loin d’être dégagée de toute préoccupation du côté de l’Orient : les questions s’y succèdent, tantôt délicates, tantôt graves, et il en sera ainsi pendant longtemps. La question actuellement posée est celle de Crète : elle est délicate, elle pourrait devenir grave. Les données du problème sont complexes et difficilement conciliables. On se trompe cependant lorsqu’on dit que les puissances sont prises entre des promesses contradictoires qu’elles auraient faites : il n’y a pas eu de promesses de ce genre ; mais l’Europe a certainement encouragé des espérances en sens divers, opposés même, et elle se trouve aujourd’hui embarrassée entre les sympathies qu’elle éprouve, d’une part, pour la Grèce, et de l’autre, pour la Jeune-Turquie. Si la Turquie était encore aujourd’hui ce qu’elle était il y a un an, l’embarras de l’Europe serait beaucoup moindre. Mais il y a un fait nouveau à Constantinople, un fait imprévu, un fait dont on ne saurait faire abstraction sans danger ni sans injustice. Et c’est là ce qui tient tout le monde en arrêt.

On se rappelle quelle a été, en ce qui concerne la Crète, la solution adoptée par les puissances après la dernière guerre turco-grecque : c’était une solution d’attente, dans un sens nettement déterminé. Les puissances n’ont pas cru qu’il fût prudent, il y a onze ans, de permettre l’union de la Crète à la Grèce, et elles ont parfaitement raison de ne pas le croire ; on a vu, par ce qui s’est passé depuis, qu’elles n’auraient pas pu donner satisfaction à la Grèce sans déchaîner les appétits qu’elles s’efforçaient de retenir et de museler dans les Balkans ; chacun aurait demandé des compensations, et peut-être aurait étendu la main pour s’en emparer ; la crise que nous venons de traverser aurait eu lieu onze ans plus tôt. Mais si l’Europe a imposé à la Crète et à la Grèce une attente plus ou moins longue avant de permettre à leurs destinées de s’accomplir, c’est-à-dire de se confondre, elle a fait faire à la question un pas considérable. En réalité, la Crète a été mise à la disposition de la Grèce, qui y a installé un gouvernement et une administration. Le prince Georges a été nommé gouverneur de l’île : il a donné sa démission au bout de sept ou huit ans, et a été remplacé par un nouveau gouverneur, M. Zaïmis, nommé par le roi de Grèce. Depuis, la situation s’est normalement développée dans le sens où elle avait été engagée. Des milices crétoises ont été organisées sous le commandement d’officiers grecs. Les puissances attendaient que cette