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-nages officiels allemands n’ont eu, et il faut les en louer, l’indiscrétion de nous recommander, — qu’entend-on par le rapprochement autour duquel on mène tant de bruit ? Il est nécessaire de poser la question et difficile d’y répondre ; car les plus éloquens discours prononcés sur la matière ne nous apportent pas de clarté positive. Force est donc de voir dans ces discours des manifestations fâcheuses autant que vaines. Vaines, elles le sont à coup sûr : car vouloir rapprocher deux pays dont les relations sont correctes et pour qui, cependant, l'alliance est impossible, c’est s’engager dans une impasse où il n’y a rien à gagner et tout à perdre. Fâcheuses, elles le sont aussi : car, pour attachés que nous soyons à la paix et résolus à remplir les obligations qui en résultent, nous ne pouvons oublier que le sort des armes nous fut autrefois rigoureux ; que la réserve sied au malheur et que solliciter, par d’inutiles initiatives, des sympathies dont il ne nous appartient pas d’ailleurs de tirer des conséquences pratiques, ce serait humilier la France, — s’il dépendait d’erreurs individuelles d’engager l’honneur de la nation. La peur des mots est le commencement de la sagesse politique. Jamais cette maxime ne sera plus vraie qu’à l’égard des relations franco-allemandes. Comités, conférenciers, messagers de rapprochemens sans base, sans terme et sans sanction, pavent de leurs bonnes intentions le chemin des déceptions. Si leur vœu était écouté, si les deux gouvernemens, par une courtoisie naturelle à l’égard des personnes, se laissaient engager à leur suite sur le terrain des principes, l’évidente impossibilité de passer des paroles aux actes ne tarderait pas à provoquer dans la presse et dans l’opinion l’amertume qui s’attache aux agitations stériles et aux espérances sans lendemain.

L’arrangement relatif au Maroc donne l’exacte mesure de ce que la France et l’Allemagne peuvent faire pour améliorer, suivant une méthode analytique et positive, des relations que ne ferait que troubler l’agitation sentimentale des conciliateurs à tout prix. Pour elles, le devoir et le pouvoir se définissent par la transaction loyale de leurs intérêts sur tous les terrains où ces intérêts se trouvent en contact, par l’utilisation pacifique des ressources respectives dont elles disposent, par le développement de leurs relations économiques, par la collaboration désintéressée des forces civilisatrices qu’elles représentent l'une et l'autre. S’agit-il d’affaires coloniales ? On doit et on peut pré-