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voulu l’atteindre. Sa famille l’apprenait-elle : par quelle voie et à qui faire parvenir la vérité ? Et l’anecdote fût-elle exacte, est-il permis à des correspondans mercenaires de divulguer et de propager des secrets d’alcôve ou de jeter une faiblesse de cœur en pâture aux bavardages mondains ?

Les mêmes considérations, que nous venons d’invoquer pour le respect de la vie privée, s’appliquaient à la vie publique, aux transactions commerciales, aux opérations de Bourse, aux intérêts de la défense nationale, aux secrets du Roi. « Tout le monde s’en plaint, lisons-nous dans une note pour le lieutenant de police, parce qu’ils attaquent et distribuent des faits faux et injurieux contre tout le monde, sans aucun ménagement. »

Dans les provinces, le mal sévissait avec d’autant plus d’intensité qu’on y était encore plus mal armé pour le combattre. L’auteur des Menagiana en fait la remarque : « On ne doit point désapprouver le soin que l’on a d’empêcher le cours des gazettes à la main, qui sont remplies de faussetés. Elles ne font point tant de tort à Paris que dans les provinces, où elles mettent quelquefois les gens bien en peine. » C’est le sujet d’une comédie, le Nouvelliste provincial, où nous voyons toute une famille plongée dans la désolation par une feuille de nouvelles à la main qu’a reçue un ami en villégiature au château. L’information heureusement était fausse, et la charmante Elise, fille de la marquise, n’était pas encore entièrement morte de désespoir quand arriva le message dépêché par le galant chevalier que le nouvelliste avait fait périr à l’armée de Flandre.

Nous lisons dans les rapports pour le lieutenant de police, à la date du 10 février 1732 :

« Louis XIV n’a jamais voulu souffrir les petites nouvelles à la main et il a fait arrêter pendant sa vie tous ceux qui en faisaient et en débitaient, parce qu’il en connaissait le danger par rapport à ses ennemis auxquels on les envoyait. » Mazarin, Hugues de Lionne y trouvaient le même péril. Ces gazetiers, auxquels Louis XIV, Mazarin et Lionne faisaient allusion, étaient ceux qu’on nommait « les nouvellistes pour l’étranger, » Les ambassadeurs en France des rois d’Angleterre, de Prusse et d’Espagne tes cultivaient avec soin. A cet égard on ne saurait trop insister sur l’importance des déclarations faites par mi lord Taaf, ancien membre du Parlement anglais, arrêté en France à l’époque de la Guerre de Sept ans, comme agent du gouvernement