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de longues années ; après quoi, de guerre lasse, ils se sont décidés à recourir au Riparia et au Rupestris comme porte-greffe et au Jacquez comme producteur direct. Naturellement on récolte et on foule très tard : ainsi à la T... de B… (altitude 575 mètres) les premières neiges coïncident habituellement avec la période de maturité parfaite.

Partout croissent les arbres fruitiers de toute espèce, sauvages ou améliorés par la culture ; l’amandier, le poirier et le noyer dominent. Moins souvent gelées que dans les Bouches-du-Rhône, les amandes constituent une importante ressource à B... et à la T... de B... ; les poires sont plus souvent vendues ou, si leur qualité est inférieure, sacrifiées aux porcs, que consommées par le propriétaire qui trouve que ce fruit ne nourrit pas assez. Quant aux noyers, on en voit encore beaucoup, mais il s’en est naguère massacré des quantités formidables pour les besoins de la menuiserie artistique. Cet abatis a pris fin, mais il avait une raison d’être, car à l’heure qu’il est, le villageois le plus parcimonieux achète pour sa salade de l’huile d’olive ou soi-disant telle, et éclaire le soir sa cuisine au pétrole.

On aperçoit beaucoup de chênes dans le pays, mais ceux qui appartiennent à des paysans présentent souvent un aspect peu gracieux, qui résulte d’une pratique détestable consistant à étêter le pauvre arbre qui s’épuise alors en jets latéraux courts et bien feuillus qu’on tranche pour la pâture du bétail. Ne faut-il pas chercher dans cette habitude la raison du déboisement de certaines montagnes, déboisement qui a dû s’accentuer à une époque où le bétail, beaucoup plus nombreux que de nos jours, exigeait le sacrifice d’une masse énorme de branches d’arbres ? Il est visible que c’est dans les XVe et XVIe siècles que les chênes ont dû succomber en grand nombre ; au XVIIe siècle, le mal était fait. Nous avons vu chez un collectionneur la reproduction d’une estampe de la Bibliothèque nationale représentant Sisteron à cette époque ; la ville est dominée par d’affreuses montagnes pelées qui, actuellement regarnies, présentent un aspect verdoyant, au moins partout où le roc, point trop vertical, n’a pas laissé échapper la terre.

Une causerie sur les Basses-Alpes doit forcément ne pas passer sous silence la question du reboisement dont les avantages manifestes sont quelquefois payés de graves inconvéniens.

Il y aurait vraiment trop à faire et à dépenser si on reconstituait