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crainte du travail, désir de bien-être, aspiration vers les plaisirs, exagération de la scolarité, service militaire accompli trop loin ou trop près, dans les grandes villes de la région basse, et enfin manie du fonctionnarisme à tous les degrés. D’autre part, comment incriminer un paysan dégourdi ou un petit bourgeois intelligent de ce qu’ils ne se soucient pas, l’un, de végéter dans la pauvreté, l’autre, de croupir dans la gêne et de ce qu’ils préfèrent améliorer leur sort en s’expatriant ? L’impulsion, nous le craignons bien, est actuellement trop vive pour être arrêtée, mais elle peut s’enrayer par des remèdes très simples, presque tous proposés depuis longtemps à maintes reprises.

Il faudrait d’abord diminuer fortement les impositions, et surtout atténuer la cote foncière. On ne saurait croire à quel degré gouverne la routine lorsqu’il s’agit de distribuer ce genre de charge. Sous l’ancien régime du moins, si on se fondait trop souvent sur un passé plus prospère que le présent pour dresser l’ « affouagement » ou estimation de valeur des propriétés foncières en Provence, il y avait des réductions possibles lorsque survenaient les révisions qui se faisaient tous les trente ou quarante ans. C’est ainsi qu’au début du règne de Louis XVI on déchargea un peu les vigueries de Castellane, de Colmars, de Digne, de Sisteron, de Barrême. Malheureusement, l’impôt général en France fut fixé en 1789 d’après l’impôt provincial antérieur et, depuis lors, le cadastre n’a fait que prolonger jusqu’à nos jours les mêmes erremens. Sous la fin de l’ancien régime on fit expier aux cultivateurs de la vallée de la Durance la conservation de leurs oliviers, tandis que les froids avaient massacré ceux de la Basse-Provence. Four la même raison, les vignobles sont cotés à un revenu fictif élevé, tout simplement parce qu’à l’époque de la confection du cadastre, le vin se vendait bien. Tous les comparaissans de l’enquête agricole de 1866 et notamment l’unique député du département, le colonel Réguis, s’accordent à dire que dans Vaucluse on est moins écrasé ; ils ne divergent entre eux que sur la valeur du coefficient d’exagération et tous auraient pu, ce qu’ils n’ont point fait, indiquer explicitement la raison de cette divergence : savoir que le Comtat de nos jours paie encore modérément parce qu’il ne payait presque rien du temps des papes et qu’une routine, fort heureuse celle-là, a maintenu dans une certaine mesure l’antique situation. Mais la