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NOTES D’UNE VOYAGEUSE EN TURQUIE
(AVRIL-MAI 1909)


18 avril.

Quand j’ai quitté la France, pour voir des amis Jeunes-Turcs, — et en particulier Ahmed-Riza bey, président de la Chambre et sa sœur Selma Hanoum, — je ne prévoyais pas que mon voyage aurait des péripéties dramatiques. Sur la route de Constantinople, j’ai appris le mouvement réactionnaire du 13 avril, et, comme tous mes compagnons de voyage, je me suis adressée au plus proche consulat.

Ils sont tous charmans, nos consuls. Ils ne sont pas toujours bien renseignés, mais en Orient, personne n’est bien renseigné. C’est le pays des surprises. On y vit au jour le jour, et l’on ne s’émeut de rien. Sceptique et fataliste, le consul m’a dit :

— Si vous allez à Constantinople, vous ferez bien. Si vous n’y allez pas, vous ferez peut-être mieux. Nous ne pouvons rien prévoir et nous devons tout craindre. Les étrangers ne sont pas menacés aujourd’hui. Seront-ils en sûreté demain ?… Inchallah ! Pour le moment, la réaction triomphe, mais dans le calme…

— Alors, je pars…

— Si vous voulez, mais vous ne verrez rien. Les magasins et les banques sont fermés, la ville turque pleine de mystère, et les soldats acclament le Sultan et honorent la loi du Chériat, en tirant des coups de fusil, à balle, dans les rues..

— C’est ça, le calme ?

— Relatif… Le 13 avril, ces mêmes soldats ont tué trois cents officiers, quelques députés ou ministres et un grand