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au point de vue du stoïcisme et de l’intrépidité.

Dans la graduation de la considération attribuée aux différentes classes sociales, le cultivateur vient immédiatement après le noble. Le daïmyo entouré de ses samouraïs vivait au milieu de ses vassaux. Forcé de les protéger et de les défendre, leurs intérêts étaient communs. Dans la guerre, il devait souvent faire appel à leur dévouement. Il recrutait les samuraïs qu’il perdait parmi les cultivateurs qui montraient le plus de courage. Le nombre de ceux-ci était forcément limité par la nécessité imposée aux daïmyos d’entretenir leurs hommes d’armes. Les cultivateurs vivaient donc dans un milieu de soldats. Les meilleurs d’entre eux devenaient nobles, et pendant des siècles leur idéal, leur mentalité, formés par les récits et les exemples de chaque jour, ont tendu vers les vertus que comporte la guerre : l’orgueil du clan ou de la patrie, le loyalisme, l’esprit de sacrifice. On comprend dès lors que le peuple japonais se soit trouvé prêt à l’action, lorsque, le 8 février 1904, la guerre russo-japonaise fut déclarée.

Après les cultivateurs, venaient les classes des artisans et des commerçans. Les artisans habitant les villes étaient organisés en corporations, avaient leurs écoles et recevaient une instruction générale plus étendue que dans les campagnes. L’éducation patriotique se donnait dans les écoles ; elle se continuait par l’action d’un personnel particulier au Japon, celui des conteurs d’histoires. Il en est de plusieurs sortes et de plusieurs degrés, depuis l’artiste lettré qui va dans les maisons particulières faire des conférences, jusqu’à celui qui, assis au coin de la rue, a pour auditeurs les voisins et les passans. Le thème de ces histoires est presque toujours un sujet guerrier : récit des anciens combats du moyen âge, histoire des 47 Ronins, luttes des familles Taïra et Minamoto, enfin les dernières guerres contre la Chine et la Russie, les exploits de la flotte, ou de tel régiment... Il existe en outre dans les villes des salles spéciales nommées « Yose, » où le soir se font des lectures et des récitations généralement patriotiques. Les commerçans tenus à l’écart ne les fréquentaient guère ; d’ailleurs, dans cette organisation féodale, le commerce (Hait peu développé. Des lois somptuaires, des restrictions, des monopoles, la prédominance de l’esprit aristocratique et militaire, gênaient son progrès. Le commerçant japonais, placé au bas de l’échelle sociale, était un être sans caractère et, comme les