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une vague ressemblance avec celui de la Prusse fut présenté au marché financier de l’Europe. En 1889, pour accentuer ces apparences libérales, une certaine action sur les affaires locales fut même accordée au peuple. Le contrôle des dépenses budgétaires est supposé dépendre de ce régime soi-disant parlementaire : il n’en est rien. Les lois, comme le budget, sont présentés aux Chambres par le gouvernement qui ne dépend que de l’Empereur. La Chambre des seigneurs, vu son origine, vote comme le veut le gouvernement ; quant à la Chambre des députés elle ne siège que trois mois par an et, si elle exprime un avis défavorable, elle est dissoute. En réalité, le gouvernement est exercé par le Conseil des ministres qui reçoit des instructions formulées au nom de l’Empereur. Il existe bien un conseil privé, mais il n’a pas l’influence que son nom indique. Le vrai Conseil est formé par les « Genro. » Ce sont les quatre ou cinq personnages les plus importans de l’Etat. L’Empereur les consulte avant de prendre ses décisions. Pour se rendre compte de leur action, il suffira de dire que le prince Ito, commissaire impérial en Corée, et le maréchal prince Yamagata en font partie. Ces noms montrent de quel prestige s’accompagnent les actes gouvernementaux. En sera-t-il de même quand ces grandes figures auront disparu ? Cette question est un des points noirs de l’avenir, car ceux qui les remplaceront ne jouiront pas de la gloire d’avoir fait du Japon une grande puissance, et ils auront à compter avec des partis aspirant au pouvoir. D’après ceux-ci, le système actuel n’est qu’une féodalité réduite. Elle doit nécessairement faire place, dans un prochain avenir, à un gouvernement véritablement constitutionnel. Ce point de vue, logique en Europe, peut ne pas être exact au Japon.

Il faut cependant reconnaître que l’intellectualisme s’est développé en raison de l’effort énorme que la partie cultivée de la nation a dû faire pour s’assimiler la science européenne. Les étudians durent d’abord apprendre l’anglais pour pouvoir suivre les cours que les professeurs étrangers faisaient dans cette langue. Les difficultés s’augmentaient de ce fait que le japonais et l’anglais diffèrent totalement dans la manière de rendre la pensée. Même certains mots n’existent pas : les mots « art » et « nature » par exemple. Les deux langues ne peuvent pas se juxtaposer, de sorte qu’une phrase très claire pour un Anglais est souvent incompréhensible pour l’élève. Il y avait là de quoi