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moyennes sont certainement atteintes par le scepticisme et, parmi le peuple des districts industriels et même dans les villes de province, l’ancien ordre éthique a été évidemment affecté. L’instruction dans les écoles tend à détruire les légendes. Cependant, le culte des ancêtres ne continue pas moins à être respecté par tradition, et aussi en raison d’un certain appui donné par les théories scientifiques d’hérédité et d’atavisme. Parmi les lettrés de Tokyo, on ne saurait entendre une parole d’irrespect contre le culte des ancêtres.

Quoique partiellement composé d’hommes éminens arrivés par leur seul mérite, le gouvernement du Japon est aristocratique et autocratique. Il est probable que les futurs « genro » lui donneront une politique encore plus militaire. Le Japon est actuellement la nation la plus disciplinée du monde, aux mains des hommes les plus éminens et les plus patriotes, et l’on ne doit pas perdre de vue que les courans d’idées qui règlent les mouvemens des masses européennes ne lui sont pas applicables.

« Le Japon doit son pouvoir offensif à la longue discipline de son passé, dit M. Putnam-Weale, dans son livre The coming struggle. Un peuple gouverné par l’altruisme comme le sont la plupart des peuples de race blanche, perd ses capacités pour l’agression, aussi bien pour la lutte guerrière que pour la lutte économique. Si ce peuple se heurte à une nation aveuglément disciplinée, que ce soit dans une guerre ou dans une lutte commerciale, son infériorité est évidente. » Un avenir prochain justifiera peut-être cette opinion.

Dernièrement le Times écrivait : « Les Japonais ne vont-ils pas hériter de la corruption avec la richesse ? Si nous entendons par corruption la crainte de la lutte qui déprime les peuples riches, rien n’est moins sûr. Le Japon actuel n’aurait jamais pu s’élever s’il ne s’était donné un idéal pour guider sa marche. L’idéal impérialiste était le seul à sa portée comme expression tangible de sa piété filiale. Quoiqu’il arrive, pendant de longues années encore, cet idéal restera sacré. D’autre part, les besoins de la population sont si restreints, de tels changemens dans ses habitudes sont nécessaires, que la richesse ne pourrait pas modifier son genre de vie avant plusieurs générations. La désorganisation du système gouvernemental n’est pas non plus probable. Il est loin d’être prouvé que la masse soit meilleure juge de ses intérêts qu’un souverain éclairé par les plus hautes capacités