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père voulait que ses Mémoires fussent publiés de son vivant. Il était le meilleur juge en la matière. Et s’il croyait que leur absolue sincérité, confirmée par la violence même des critiques dont ils sont l’objet, en faisait des documens historiques utiles à qui recherche la vérité, pouvais-je, moi son fils, et à cet égard son exécuteur testamentaire, substituer mon jugement au sien ? » Parlant ensuite du docteur Frédéric Curtius qui, lui aussi, fut disgracié par l’Empereur : « Il a passé cinq ans, disait-il, à dépouiller les Mémoires ; il a travaillé en savant, étranger aux opinions et aux intrigues des partis. Il ne prévoyait pas qu’une si grande fraction de l’opinion publique allemande serait, pour le moment du moins, à ce point réfractaire à l’histoire. Mais qu’y pouvons-nous ? » On avait parlé de scandale, de préjudice volontaire porté à l’Europe. » Celui-là seul, répondait encore le prince, pourrait juger impartialement ce travail et lui rendre justice, qui aurait connu lui-même dans tous ses détails le contenu de tout cet amas de papiers et la somme d’attention, de travail, ainsi que la connaissance approfondie des hommes et des choses qu’il a fallu pour les trier. Car nous devions écarter tout ce qui, par la lumière trop crue qui aurait été répandue sur les causes encore ignorées de bien des événemens, aurait pu provoquer de l’émotion. Celui-là seul pourrait apprécier à leur juste valeur l’abnégation et la réserve patriotique dont les éditeurs ont fait preuve. »

Quant aux attaques personnelles, le prince Alexandre faisait observer à son interlocuteur que le nom de Hohenlohe avait été longtemps en horreur aux agrariens, aux hobereaux, aux cléricaux et aux antisémites. « L’aversion que nous leur inspirions ne nous trouble pas. C’est mon père qui a été un des plus actifs partisans de la loi contre les Jésuites. C’est lui qui a signé la circulaire fameuse où le gouvernement bavarois, dont il était le président, signala aux chancelleries étrangères les dangers de la proclamation du dogme de l’infaillibilité. Mon père, comme statthalter ou comme chancelier, a toujours été un libéral. Je me suis instruit à son école, et pendant les dix années où j’ai représenté au Reichstag la circonscription de Wissembourg-Haguenau, j’ai lutté ardemment pour mes idées. Ce qui m’a surpris, c’est qu’après quelques jours d’hésitation, la presse libérale soit venue se joindre à la campagne déchaînée contre moi. J’ai de la peine à comprendre pourquoi. » Mais le prince jugeait cette tempête artificielle et croyait que la vraie opinion allemande