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POÉSIES


DEUX CONTES ANTIQUES

I. — DAPHNÉ

Daphné, son arc d’argent sur l’épaule, à sa guise
Chassait. Bras découverts, souples cheveux au vent,
Gorge ferme, elle était si belle que souvent
En la voyant passer, pour Diane on l’eût prise.

Des l’aube, elle partait en chasse, après le bain,
Dédaignant les apprêts, les parures savantes,
Heureuse seulement d’errer le long des sentes
Sur les pas d’un chevreuil, d’une biche ou d’un daim.

Son père la priait : « Accueille dans ta couche,
Ma fille, cet époux par mon cœur souhaité.
L’amour ne doit-il point couronner ta beauté ?… »
— Mais Daphné rougissait et se taisait, farouche.

Il advint qu’Apollon, l’apercevant un jour,
Fut séduit par sa grâce agile, libre et fière,
Et qu’il en éprouva cette ardeur singulière
De l’obsédant désir et du naissant amour ;

Dès lors, il poursuivit à toute heure, sans cesse,
Tel un limier subtil ou tel un oiseleur,
La nymphe désolée et tremblante de peur,
Et qui cachait au loin sa pudeur en détresse.