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Avec précaution, moi-même j’ai versé
Et l’eau claire, et le vin mousseux dans chaque amphore,
Puis j’ai chargé de fleurs, telle une canéphore,
Des corbeilles de jonc tressé.

L’époux peut revenir… Tout ici doit lui plaire ;
Mes bras sont parfumés, — c’est pour l’accueillir mieux,
Pour que, pieusement, il bénisse les dieux
Des félicités de la terre ;

Pour que demain, fidèle à mon amour vainqueur,
Résonne allègrement au sein du soir limpide
Le cher pas désiré, — plus hâtif, plus rapide
Que les battemens de mon cœur !



ÉPIGRAMME FUNÉRAIRE

« Une terre m’a donné la vie, une autre terre me couvre mort. Celle-ci ne fait pas moins pour moi que l’autre : dans son sein je vais faire un plus long séjour. »


Cette terre où je dors de la paix éternelle
N’est point la douce terre où mon cœur a chanté,
La terre où j’entendis, mille fois répété,
L’universel écho qui me proclamait belle !

J’aimais, alors, le vent lorsqu’il battait de l’aile
Mon front ; j’aimais la vie ardente de l’été ;
Et ta splendeur, soleil, et ta limpidité,
Ciel natal réfléchi dans l’eau de ma prunelle…

Or, voici qu’à présent mes jours sont accomplis.
Un linceul à jamais me couvre de ses plis,
Le silence est figé sur ma lèvre flétrie,

Et, sereine, je dors dans ce sol étranger
Qui s’est fait pour me plaire accueillant et léger,
Car la terre des morts devient une patrie !



Baronne Antoine de Brimont.