Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous en parlez bien à votre aise, et j’en aimerais autant un autre.

— Eh bien ! pourquoi pas du Royaume Cisalpin ?

— Je ne sais, répliqua-t-il, nous verrons ; ce qu’il y aurait de plus simple serait peut-être : roi de Piémont et de Lombardie. »

Enfin nous tombâmes d’accord que c’était une question secondaire à réserver.

Il était six heures et quart ; après cette longue discussion qui était plutôt un plaidoyer sans conclusion, je vis renaître toutes les hésitations dans l’esprit de l’Empereur qui se leva et me dit : « Nous sommes loin de nous entendre. Vous ne m’avez pas convaincu et, de votre côté, vous n’avez rien cédé ; il faut que je réfléchisse et que je prenne des conseils. »

D’après l’ensemble de mes observations, j’étais convaincu que, plus nous attendrions, et moins nous nous entendrions, que les conseils que l’Empereur pouvait demander aux archiducs ses parens, aux ministres et aux généraux qu’il avait auprès de lui, le rendraient moins conciliant. Il était évident pour moi que le matin, à Villafranca, en face de l’Empereur, il aurait cédé davantage que vis-à-vis de moi qui étais dans une position bien plus défavorable, et que le temps en un mot était contre la conclusion de la paix. Je crus devoir brusquer la solution et dire à l’Empereur :

« J’ai l’ordre de rentrer ce soir au quartier général ; pour y être à dix heures, il faut que je parte à huit heures et quart ; je ne puis donc attendre la réponse de Votre Majesté que pendant deux heures. Si elle est négative ou évasive, je puis vous donner ma parole d’honneur que, le 16 août, à midi, la guerre recommencera bien plus terrible qu’elle n’a été jusqu’à ce jour, que la France fera tous les efforts qu’elle est loin d’avoir encore employés et que nous nous servirons de tous les alliés que nous pourrons trouver, sans nous occuper d’où ils nous viennent.

— C’est bien, j’aviserai, et vous aurez ma réponse. »

Là dessus l’Empereur m’accompagna jusqu’à une chambre qu’il m’avait fait préparer, où je restai seul.

On me servit à dîner avec mon aide de camp.

Deux officiers, MM. de Wimpffen et le prince de Hohenlohe, restèrent avec nous.