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l’autonomie du gouvernement de l’Inde et son affranchissement de tout contrôle britannique. » Les Bengalais conmençaient par des conseils ironiquement affectueux et ils finissaient par des bombes. Le 1er mai 1908, à Mouzaffarpore, une bombe lancée contre l’habitation d’un magistrat tue deux dames anglaises et leur cocher ; au mois de novembre suivant, nouvelle bombe sur un train rempli de voyageurs anglais. Puis, deux engins éclatent près d’un convoi où se trouvait M. Hume, avocat général. Tilak sépare nettement ces patriotes de la tourbe des anarchistes vulgaires : « L’anarchiste américain qui assassine un millionnaire par la seule raison qu’il est millionnaire, est un homme, tandis que le patriote russe exaspéré, qui, dans son désespoir, lance une bombe parce que les fonctionnaires du Tsar refusent la Douma à son pays, est un être bien différent. Nul ne devrait ignorer que les bombes bengalaises n’appartiennent pas à la première catégorie, mais à la deuxième. » La police, perquisitionnant chez cet agitateur, trouva plusieurs listes de matières explosibles avec leurs modes de fabrication.

Il est peu probable que ces gestes criminels restent isolés, car les excitations continuent. Le journal Yugantar (l’Ère nouvelle), dûment suspendu, prêche encore, sous forme de brochure, le massacre des blancs. Son directeur, vétéran de l’anarchie, a déjà fait un an de hard labour, pour incitation à la révolte à main armée (1907). La police a découvert, dans les bureaux de ce périodique, les épreuves d’un manuel de maniement d’armes, à l’usage des Bengalais.

Moins saisissables sont les pamphlets, œuvres de sociétés secrètes, anonymes, d’un format réduit, à circulation mystérieuse. Ces feuilles volantes, monocordes, publient des variations sur le« départ » des Anglais : « Les tyrans devraient savoir que, lorsque les Indous sortiront vainqueurs de leur lutte contre le despotisme, ils auront à peine le temps de quitter le pays sains et saufs. Aussi, dans leur intérêt, nous leur conseillons de se tenir prêts à décamper avec armes et bagages. » L’administration anglaise est-elle juste ou injuste ? Peu leur importe. Elle n’est pas indigène. Il faut qu’elle disparaisse.

D’insaisissables émissaires affichent des placards séditieux, que la police arrache avec plus d’ardeur que de rapidité. Des commentateurs les paraphrasent devant la foule crédule, le long des ruelles bordées de paillottes, sous les figuiers banians, quand