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le but du parti radical ou paysan qui, à partir de 1872, se rendit maître du Folkething, appuyé par une partie de la bourgeoisie intellectuelle et flanqué à gauche d’un petit groupe de socialistes. Et tout le dernier quart du XIXe siècle fut occupé, comme on le sait, par le conflit tantôt aigu, tantôt latent, entre la majorité radicale de la représentation populaire et les gouvernemens conservateurs appuyés sur la minorité de droite, sur le Landsthing et sur la Couronne. Dès l’origine, le mouvement libéral avait trouvé en Grundtvig un champion ardent. Grundtvig prit une part active à l’élaboration de la Constitution de 1849, et siégea jusqu’à sa mort dans la gauche du Folkething. La flamme radicale, si vive fût-elle, était tempérée en lui le plus souvent par son sens patriotique et sa foi religieuse ; ses amis, ses successeurs n’eurent pas, à vrai dire, la même modération, et ne laissèrent pas de pousser le parti paysan, dont Grundtvig ne vit d’ailleurs pas l’apogée, dans des fautes et des excès que le maître eût réprouvés de toutes ses forces. Mais l’aspect politique n’est après tout qu’un aspect secondaire de l’action de Grundtvig, dont le principal effort, et le plus fécond, se porta sur une double œuvre de restauration, la restauration du sentiment national et celle du sentiment religieux.

Le germanisme, nous l’avons dit, dominait encore la pensée danoise à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Ce n’est qu’après les désastres de 1807, et sous l’influence de ces désastres mêmes, qu’une réaction « nationale » commença à se dessiner. La littérature, dans le deuil du pays, passe alors au premier plan ; on s’y absorbe, on s’enfonce dans les souvenirs glorieux du passé pour y chercher une consolation et un enseignement ; un souffle d’inspiration proprement danois ranime la poésie qui, jusqu’alors n’était influencée que par le romantisme allemand ou le classicisme français. Déjà le grand poète Œhlenschlæger, qui sous bien des rapports, était encore l’homme du XVIIIe siècle, recherchait par instinct d’artiste les sujets tirés des vieilles légendes du Nord ou de la mythologie Scandinave ; son Hakon Jarl, où il évoque la lutte du paganisme contre le christianisme, marque une date dans l’évolution de la littérature danoise. Grand admirateur d’Œhlenschlæger, Grundtvig fouille avec plus d’ardeur et de méthode les richesses du passé. Dès sa jeunesse, il a été attiré par les recherches historiques, il est allé recueillir en Angleterre les vestiges littéraires des ancêtres de sa race,