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disposé à tout examiner et juger avec bienveillance, en s’inspirant de l’Esprit de Dieu. Que le Roi Très-Chrétien veuille bien considérer en Sa haute sagesse la situation infortunée de l’Italie et tous les périls qui peuvent surgir de ces guerres, et l’avantage qu’en tireront les Infidèles !…

« Quant aux avis émanés de Sienne, s’ils avaient quelque attache officielle, j’étais tout prêt à Lui donner l’explication de mes actes, mais j’affirmai que jamais Votre Sainteté ne m’avait chargé de me mêler de la question du ravitaillement à fournir aux flottes royales par les Siennois ; au cas où de pareilles insinuations eussent été faites par des particuliers, Sa Majesté devait savoir que les Siennois sont en permanence travaillés par des discordes civiles, et qu’il n’y a aucune sincérité à attendre de paroles ou de lettres dictées par la passion politique… »


Après le départ de ce gentilhomme français, le cardinal tint conseil avec les prélats et familiers de sa suite ; on lui représenta que les mœurs indisciplinées de cette soldatesque étrangère faisaient craindre aux Lucquois quelque atteinte à sa dignité. Effrayé, il donna subitement l’ordre du départ.

Adieu toutes les ambitieuses pensées !

Mais pendant qu’on se prépare, arrive le chanoine qu’il avait adressé à Briçonnet pour solliciter son appui auprès du Roi ; il apporte une lettre de Monseigneur de Saint-Malo. Une lueur d’espoir traverse l’esprit du Piccolomini ; peut-être, sur l’instance de son conseiller, le Roi reviendra-t-il sur sa décision ; peut-être le recevra-t-il ?

Le Légat donne contre-ordre au départ. Malgré ses craintes, il attendra encore. Il s’est repris à espérer ! mais il ne connaît pas l’entêtement du Très-Chrétien, de celui que ses compatriotes appelleront bientôt « Cabezzucco, » le Cabochard ! car, pendant qu’il se leurre ainsi, voici deux courtisans de Charles VIII qui arrivent au palais où loge le cardinal : l’un d’eux est encore M. de la Volta, et l’autre, un « chevalier tout doré[1]. » Ils lui répètent les mêmes paroles et les mêmes griefs du Roi contre sa personne, et l’exhortent à quitter Lucques, car Sa Majesté va y faire son entrée et lui accorde quatre heures pour s’en aller.

Le cardinal veut encore discuter ; on lui montre l’ordre écrit

  1. « Quemdam auratum militem. »