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André, il avait déjà quitté Sienne, et, avec sa prudence ordinaire, cherché une retraite plus sûre, pour lui et ses trésors. Au palais Piccolomini, à Sienne, pour recevoir les hôtes maudits que l’invasion allait déverser, il avait laissé le précepteur Tizio : celui-ci, qui n’était pas précisément très courageux, et avait plusieurs fois, dans les troubles civils, donné de hautes preuves de couardise, se trouvait, dans cette ville envahie, partagé entre sa curiosité de nouvelliste et sa peur naturelle des coups. Il est probable que souvent, pendant cette période agitée, il dut gravir avec sa mule le chemin rocailleux qui, traversant le torrent au milieu des cailloux et des buissons, montait à l’Observance. Il apportait au cardinal les nouvelles de la cité, le renseignant sur les menées tortueuses des partis, ou lui contait les passages des troupes françaises, car chaque jour, depuis le 9 novembre où l’avant-garde avait franchi la porte Camollia, Sienne voyait les sergens et les valets étrangers parcourir ses rues et marquer à la craie les logemens pour leurs maîtres, et ceux-ci s’installer dans les maisons aussi privément et familièrement qu’ils eussent fait chez eux.

Tout ce qu’apprend le cardinal n’est pas fait pour lui donner espoir, car c’est de plus en plus la déroute de sa politique de famille : Florence, révoltée contre les Médicis, a chassé Piero et envoyé des ambassadeurs au Roi pour se mettre à sa discrétion, et Sienne, jusqu’alors hésitante, se déclare maintenant pour Charles VIII : les partis, — chose extraordinaire et qui se voit pour la première fois dans cette ville divisée, — tombent d’accord pour souscrire à toutes les demandes du Très-Chrétien, « puisque aussi bien on n’est plus maître de les refuser. »

Puis, c’est l’entrée du bâtard de Bourbon, escorté de 3 500 cavaliers, des gendarmes, montés sur de puissans chevaux, des arbalétriers, des archers avec leurs arcs bandés et leurs trousses garnies, et des escouades de trompettes et de tambourins menant, par les rues étroites, entre les maisons rapprochées, un vacarme à ébranler les murailles.

Le 20 novembre, le cardinal écrit au Pape que, la veille, 3 000 Français sont encore arrivés à Sienne : c’était Montpensier[1], le général en chef, dont l’infanterie défile pendant plusieurs jours par la grande rue de Sienne, se dirigeant sur les Etats de l’Eglise.

  1. Gilbert de Montpensier, dit le comte Dauphin, capitaine général de l’armée de terre.