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et avait désigné Raymond Pérault, cardinal de Giirck. Dans les derniers jours de novembre, Gürck était passé par Sienne, et le Piccolomini, réfugié dans son monastère, n’avait pas osé venir à sa rencontre. Est-ce dépit de se voir remplacé, peur de se montrer en public en cet instant ? il envoie, pour rendre les honneurs dus à son collègue, son parent, Thomas, évêque de Pienza, mais lui-même s’abstient. Puis, subitement, il change de conduite, et vient s’excuser auprès de Gürck, et tout en le mettant au courant de sa mission manquée, et des recommandations reçues récemment du Pape, il le prie d’intervenir auprès de Charles VIII, pour que celui-ci lui accorde une audience privée, lorsqu’il passera à Sienne[1].

Cette dernière négociation réussit enfin, et le cardinal put, un instant, se bercer de l’espoir que les apparences seraient sauvées ! Mais quel piètre accueil ! et quel résultat ! c’est ce que nous percevons de la lettre qu’il écrit au Pape, après l’audience, et sous les phrases pompeuses de laquelle il faut voir la simple courtoisie du Roi, qui ne peut refuser de recevoir le possesseur du palais dans lequel il a logé, et qui attend le moment de son départ pour lui permettre de le saluer, mais ne lui adresse même pas la parole.


Sienne, 4 décembre 1494.

… « le révérendissime évêque de Saint-Malo est venu me trouver, il était accompagné du magnifique seigneur de Boni (d’Aubigny). Ils m’annoncèrent que le Très-Chrétien voulait bien m’admettre à lui parler aujourd’hui, n’ayant pas eu le temps plus tôt. Sa Majesté était sur le point de partir, et, à l’issue de la messe, je fus reçu. Je La saluai au nom de Votre Sainteté et profitai de l’occasion pour Lui dire que l’on avait calomnié Votre Béatitude et moi-même auprès d’Elle. Devant un cercle de princes, groupés autour du Roi, j’exposai le but de ma mission, qui avait été exclusivement d’apporter les souhaits de Votre Sainteté pour la gloire, l’honneur et la santé de Sa Majesté. Je manifestai que le Très Saint-Père ne désirait que le bonheur du Roi, et le triomphe de notre Foi, surtout en ce triste moment où elle est insultée par les continuelles incursions et

  1. Lettre au Pape, 20 novembre 94.