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plesse d’esprit et d’un remarquable talent de parole, enclin d’ailleurs à quelque scepticisme, car il est déjà revenu de bien des choses, et capable, pour tous ces motifs, de se prêter successivement à des combinaisons assez différentes. On voit par-là que, s’il serait imprudent de lui accorder une confiance qu’il n’a pas encore justifiée, on ne saurait pourtant la lui refuser a priori ; il faut attendre ; nous verrons ce que sera sa politique. La composition de son ministère ne suffit pas à elle seule pour nous renseigner à ce sujet : il y a là du bon et du mauvais. C’est une idée excellente d’avoir mis un général à la Guerre et un amiral à la Marine. Depuis longtemps on n’avait pas vu un marin à la rue Royale, et les derniers essais qu’on avait faits de ministres civils n’étaient pas encourageans : nous faisons une exception pour M. Picard qui n’a pas assez duré pour donner sa mesure. Un général et un amiral, c’est donc fort bien ; mais pourquoi les avoir doublés de sous-secrétaires d’État civils qui semblent chargés de les surveiller et de les limiter ? On a appliqué le même système aux Finances. M. Caillaux s’en va sans laisser de regrets, car il avait alarmé chez nous tous les intérêts. Son remplacement par M. Cochery a été accueilli avec satisfaction. Mais pourquoi avoir flanqué M. Cochery de M. René Renoult, sinon parce que ce dernier a été le rapporteur de l’impôt sur le revenu, et qu’on a voulu rassurer par-là les partisans de cette réforme, en la présentant comme intangible ? Enfin, M. Millerand remplace M. Barthou aux Travaux publics et aux Postes. M. Millerand est à coup sûr homme de mérite, actif et laborieux ; mais sa tête est pleine de projets qui, sous prétexte d’organisation du travail, ont pour objet de développer le syndicalisme, de l’introduire partout, et de lui donner pour corollaires la grève et l’arbitrage obligatoires. On n’a pas assez remarqué, dans la précipitation de cette fin de session, la part qu’il a prise à la rédaction de la loi qui institue un tribunal permanent d’arbitrage entre les inscrits maritimes et les armateurs. Il aurait voulu, et on le lui a presque concédé, que les arbitres se saisissent d’office des conflits qui viendraient à s’élever, sans attendre que les parties les leur soumissent. M. Jaurès, réconcilié pour la circonstance avec lui, L’aidait dans ses efforts, dont le succès était assuré par la faiblesse du gouvernement. Il y a, en tout cela, des symptômes dont il est difficile de n’être pas préoccupé ; peut-être se dissiperont-ils ; nous ne demandons qu’à être rassuré. Y a-t-il lieu de l’être, non pas après les premiers actes du gouvernement, mais après ses, premières paroles ? Laissons de côté la déclaration ministérielle qui n’a pas échappé à la banalité habituelle à ces productions littéraires, pour en venir au dis-