Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/776

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pieux. On ne voit pas que, chez eux, le travail prenne un essor bien extraordinaire, comme par exemple en Egypte. Remonter le courant des habitudes acquises est peut-être au-dessus de leurs forces. La paresse ancestrale est mauvaise conseillère. Et puis, la flânerie est si tentante dans un pays où il est si commode d’exploiter les touristes, où d’ailleurs il n’y a ni commerce, ni industrie, rien qui provoque ou qui réveille l’activité !

Et pourtant, l’œuvre entreprise par les éducateurs occidentaux n’est pas vaine, puisque cet enseignement, si rudimentaire qu’on le suppose, donne, à ceux qui le reçoivent, le désir du changement, d’un autre état de choses que celui qui existe. Ce n’est pas seulement pour des motifs religieux que les Chrétiens et les Juifs d’Orient ont été parmi les plus résolus adversaires du régime hamidien. Supposons même que cet esprit de nouveauté, ils ne l’aient point : le seul fait que l’élève des écoles européennes sort du commun, de la plèbe misérable, qu’il est plus ou moins protégé, qu’une autorité étrangère et puissante a l’œil sur lui, — cela suffit pour lui donner une humble prérogative qui le distingue, une sorte de dignité extérieure. L’indolence musulmane en est alarmée, stimulée par contre-coup. Et ainsi, dans toute la masse orientale, s’insinue cette idée confuse : qu’on se libère par l’instruction.

Quant à compter sur la reconnaissance et l’attachement de cette clientèle scolaire, ce serait une illusion. Chrétiens, Juifs et Musulmans acceptent comme un dû tout ce que nous leur apportons. L’Europe est pour eux une vache à lait, qui ne demande qu’à se laisser traire. Jusqu’ici du moins, elle a tout fait pour leur persuader qu’elle n’avait pas d’autre ambition.


III

La munificence presque toujours désintéressée des nations occidentales a donc répandu à profusion, par tout l’Orient, les écoles primaires. Il va de soi que les écoles secondaires et supérieures créées par elles sont en plus petit nombre, comme répondant à des besoins plus limités. Néanmoins, l’enseignement des humanités a ses collèges dans toutes les grandes villes orientales ; et, quant aux centres moins importans, il est bien rare que cet enseignement ne s’y donne point à côté de l’autre.

Certaines villes comme Beyrouth et Jérusalem sont dotées