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Le conflit, une fois de plus, était donc conjuré. Et la communication faite, à la fin de mai, par M. Cambon au chancelier, des instructions du général d’Amade avait produit quelque détente, quand, peu de semaines plus tard, se produisit la rencontre entre la mahalla d’Abd el Aziz et les gens de Moulaï Hafid. Battu et mis en fuite, le Sultan légitime chercha refuge dans les lignes françaises, tandis que son frère vainqueur se faisait proclamer à Tanger. Ce fut, dans la presse allemande, une explosion de joie, qui bientôt réclama des actes comme sanction. À ce moment précisément, le docteur Rosen, ministre d’Allemagne au Maroc, se trouvait en congé et, à la fin d’août, rendait visite au chancelier dans sa villégiature de Norderney. Est-ce à l’action de M. Rosen, est-ce aux exigences de la presse qu’il faut attribuer la décision du prince de Bülow ? Quoi qu’il en soit, tandis que la France et l’Espagne, admettant le principe de la reconnaissance de Moulaï Hafid, préparaient solidairement, afin de la soumettre aux puissances, une note sur les garanties à lui demander, les ambassadeurs allemands recevaient l’ordre d’insister dans les différentes capitales pour la prompte reconnaissance du nouveau sultan. En même temps, M. Vassel, consul d’Allemagne à Fez, qui en 1905 s’était signalé par son activité antifrançaise, rejoignait soudainement son poste, où il allait ainsi se trouver seul, ses collègues ayant comme lui quitté la ville avant la proclamation de Hafid et n’y étant pas retournés depuis.

On semblait être ramené par là aux plus mauvais jours du conflit franco-allemand. La politique suivie par la France était parfaitement prudente. Quoi qu’en pensassent la Gazette de l’Allemagne du Nord et la Correspondance d’Empire de l’Allemagne du Sud, reconnaître Moulaï Hafid avant même qu’il eût répondu à sa proclamation à Tanger, sans savoir s’il acceptait l’Acte d’Algésiras, s’il souscrivait aux engagemens réclamés par l’Europe en 1906, s’il était disposé à les prendre et capable de les tenir, alors enfin que n’était pas réglée la situation d’Abd el Aziz, sultan reconnu par les puissances et lié à elles par les traités, c’était une politique d’une médiocre correction et d’une rare témérité, qui ne s’expliquait que par le désir de faire pièce à la France et à l’Espagne. C’est ainsi qu’en jugea l’opinion européenne, et cette unanimité ne fut pas sans émouvoir le gouvernement impérial. Une série de notes officieuses affirmèrent tout d’abord que jamais l’Allemagne n’avait songé à