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l’entreprise. Cet accord, pour n’être pas rédigé dans les mêmes termes que l’accord avec l’Angleterre du 8 avril 1904, nous assurait les mêmes avantages. En échange de la garantie d’avenir formellement consentie au commerce allemand par l’égalité et par l’association, la France obtenait, de la seule puissance qui depuis quatre ans y faisait obstacle, la reconnaissance de son intérêt politique particulier, de son influence politique spéciale dans l’ensemble du Maroc. De cette influence, elle ne se servirait pas, — elle l’avait proclamé dès le début, — pour « changer le statut de l’Empire chérifien. » Elle n’aspirait ni à une conquête, ni à un protectorat. Elle ne voulait, d’accord avec l’Espagne, qu’une collaboration amicale avec le Sultan en vue d’une action réformatrice qui, en consolidant l’ordre et la paix, servirait ses intérêts spéciaux. Et l’Allemagne, comme l’Angleterre, reconnaissait qu’entre ces deux termes : paix intérieure du Maroc, sauvegarde de l’intérêt français, il y avait un « lien étroit, » par quoi se justifiait l’influence que nous revendiquions.

C’était la conclusion tardive et logique d’une longue querelle conquise, au prix de bien des alarmes, sur la routine et sur la négation. L’accueil qui lui fut réservé prouva qu’elle aurait pu intervenir plus tôt. L’apaisement qui en est résulté démontre qu’elle répondait aux nécessités du lendemain. Depuis le mois de février dernier, le Maroc n’a plus été, entre la France et l’Allemagne, occasion de conflit politique, ni même de controverse de presse. La veille encore, les journaux engageaient une polémique à tout propos et hors de propos. En décembre, la désertion de quelques légionnaires dans le Sud-oranais servait d’amorce à une campagne pour la délimitation de la frontière marocaine, campagne à laquelle la presse française opposait avec raison les accords franco-allemands de 1905 et de l’Acte d’Algésiras. Et c’était, de nouveau, un concert de menaces et de provocations. Il semble que c’en soit fini. La sentence arbitrale de Casablanca, rendue au mois de mai 1909, a été acceptée des deux parts avec une courtoisie parfaite. Les colonies allemande et française de Tanger entretiennent les meilleurs rapports. Les représentans des deux pays ont envisagé en commun le programme de pénétration économique à réaliser au Maroc. M. Gaston Guiot, ministre plénipotentiaire, délégué des porteurs français de l’Emprunt marocain, s’est à cet effet rendu à Berlin où il a reçu un excellent accueil.