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M. Luchaire devait faire justice. Une analyse plus exacte l’amène à des conclusions tout opposées. — « On est obligé de reconnaître, dit-il, que les derniers Carolingiens ont été en somme plus souvent les ennemis que les alliés de la puissance germanique. D’une part, en effet, leur qualité de descendans directs du grand Empereur… cause toujours quelque inquiétude aux ducs de Saxe devenus rois. Enfin leurs éternelles prétentions sur la Lorraine étaient, entre eux et les Allemands, une cause permanente d’hostilité. » Dans cette lutte des deux dynasties, ce sont les Robertiniens au contraire qui recherchent la protection des rois allemands, et c’est avec leur aide qu’ils montent sur le trône. En second lieu, que les rois de la maison de Robert le Fort aient été les représentans de l’aristocratie, il suffit d’étudier leur politique pour se convaincre du contraire. « On les voit tous préoccupés de ramener sous la dépendance du pouvoir central les différentes parties du pays qui tendaient à s’en écarter. » Ils « ont compris et exercé le pouvoir » de la même manière que les princes légitimes. Maîtres de leur trône, ils héritaient de leur politique : ils changeaient d’attitude, en changeant de condition.

Comme Fustel, M. Luchaire réduit donc l’influence des « races » dans notre histoire ; comme lui également, il va étendre celle de la royauté. Et pour la première fois, ce qui est mis en pleine lumière, c’est la permanence d’une tradition monarchique et aussi la force d’action des premiers Capétiens qui l’ont représentée.

Il n’y a pas de différence entre les rois robertiniens du IXe ou du Xe siècle, Eudes ou Raoul, et les derniers princes de la famille carolingienne. Il n’y a pas davantage de fossé entre la monarchie d’Hugues Capet et celle de Charlemagne. — Mêmes doctrines. C’est toujours, en théorie du moins, le pouvoir absolu et tutélaire, qui gouverne et qui protège, qui légifère et qui juge, sacré, presque sacerdotal, recevant de Dieu la mission de maintenir L’ordre et la paix. Mêmes règles de conduite. Comme leurs devanciers, Hugues, Robert, Henri, sont les alliés de l’Eglise contre les grands, comme eux aussi, partisans de l’hérédité qu’ils cherchent à établir en faisant, de leur vivant, sacrer leurs fils. La révolution capétienne qui a changé le roi, n’a pas changé la royauté ; et si elle s’est faite, c’est précisément qu’en 987, comme en 751, la famille légitime n’avait plus que des titres