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théâtres sont tués pour longtemps, ainsi que toutes les affaires particulières, par l’ébranlement et l’émotion des esprits. Soyez calme et sage. Autant que je peux juger la situation jusqu’à ce jour, le vrai peuple de Paris a refusé le combat, et selon moi, il a fait son devoir sagement. Vous comprendrez aisément pourquoi, en y réfléchissant vous-même. »

Cette lettre disait le calme. Le Journal de décembre 1851 dit les détresses, et les retours sur soi-même : « Il ne s’agit plus d’enseigner sans prévoir. Il faut connaître, il faut comprendre. » Le 2 décembre a dégagé violemment la leçon de 1848. « Ah ! je te croyais mûr aux jours de Février ! Tes grands instincts triomphaient en ces jours-là, et ta masse fut sublime. Elle ne peut plus l’être aujourd’hui. Elle s’est laissé corrompre par la peur, par la souffrance, par la rancune, par la vanité, l’ambition, la jalousie, l’engouement et la méfiance. Jacques a bu la coupe du désespoir, il est ivre ; on prend ce moment-là pour le provoquer : malheur, malheur à lui et aux autres !…

« Ah ! pauvre Jacques, grand-père et petit-enfant de la bourgeoisie et de la noblesse, comme tu es à plaindre, et quel cœur de pierre il faut avoir pour ne pas t’adopter avec toutes tes erreurs ; tous tes travers, toutes tes passions et tout ton malheur !…

« Et pourtant, si nous sommes dans la guerre civile, il faut que Jacques tue ou soit tué.

« Arrête, attends, patiente, pauvre malheureux Jacques ! Subis l’oppression et l’injustice encore une fois. Ceci ne sera pas long. Ce fantôme de despotisme qui se dresse va tomber de lui-même. Attends pour le renverser que tu sois fort. Quand on est fort, on est calme, on est clément. Soyez démens !…

« On n’a pas besoin de tuer quand on est fort : voilà pourquoi l’homme qui veut inaugurer ce matin son règne par le meurtre de Paris est faible ; si faible, qu’on est consterné de songer à son lendemain, et qu’on est presque tenté de le, plaindre. On est fort quand on est juste. Attends que tu sois juste, mon Jacques ; tu ne les pas encore. On est juste quand on est éclairé, et tu ne l’es pas.

« Tu as voulu ce qui t’arrive : un empereur.

« Tu l’as rêvé, tu l’as acclamé, subis son règne éphémère, et ne te mêle pas à la bataille qu’il veut engager avec les passions, Refuse le combat, laisse faire…

« Nous le reprendrons un jour, le drapeau de la vieille