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-triotique et nationaliste, convoquait à des élections générales les sujets ottomans, sans en exclure ceux-là mêmes, Rouméliotes, Bosniaques et Herzégoviniens qui, depuis de longues années, n’étaient plus soumis en fait à l’administration turque. Le gouvernement autrichien, aussitôt imité par le gouvernement bulgare, ne tarda pas à tirer de cette initiative la conclusion la plus pratique. Arrivé aux affaires depuis près de deux ans, le baron d’Æhrenthal nourrissait l’honorable désir de rendre, pour son pays, la Triplice plus fructueuse, de prouver que l’Autriche-Hongrie demeurait une grande puissance capable de réaliser, avec les concours qui se présenteraient à elle, les bénéfices offerts par les circonstances. Fidèle à l’alliance historique, il entendait pourtant n’en être pas l’esclave. Et, à l’occasion, il se réservait de faire sentir à l’allié que, pour conserver son concours, il aurait désormais à le mériter. Il consentait à ne pas désavouer le titre de « brillant second, » à condition toutefois que son « client » de la veille ne refusât pas de le seconder à son tour. Pour tenir l’Allemagne en haleine, l’Autriche ne s’interdirait plus d’esquisser, elle aussi, des « extratours. » C’est ainsi, par exemple, que, lors de l’incident de Casablanca (octobre 1908), tandis que l’Allemagne revendiquait hautement son droit de protéger « ses » déserteurs, le Cabinet de Vienne faisait immédiatement savoir au gouvernement français qu’il n’entendait point s’occuper du déserteur autrichien arrêté, avec ses camarades allemands, au cours de la bagarre du 25 septembre. De même, quelques semaines plus tôt, il avait mis un empressement remarqué à accepter les termes de la note franco-espagnole relative à la reconnaissance de Moulaï Hafid. Et sans doute, afin de mieux gagner les sympathies de la France, eût-il volontiers signé pour le Maroc un protocole de désintéressement, dont la contre-partie lui aurait été par nous assurée dans les Balkans.

Cette activité inattendue de la politique autrichienne donna à réfléchir à l’Allemagne. Au début de novembre, c’est François-Joseph qui avait obtenu de Guillaume II la promesse de se rallier à la thèse française dans l’affaire de l’arbitrage. Qu’un nouveau conflit franco-allemand éclatât au Maroc, quelle serait l’attitude du Ballplalz ? À cette question, il était malaisé de répondre. Car, visiblement, cette altitude dépendrait des circonstances. Et pour éviter qu’elle ne devînt gênante, pour conjurer