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de ce qui doit arriver ; en un mot, elle régularise un courant qu’elle a reconnu, mais quelle n’a pas créé. Là se borne son rôle qui reste très appréciable, et lorsqu’elle le remplit tout entier, il convient de lui en être reconnaissant.

L’entrevue de Cowes a montré que l’évolution de la politique anglo-russe avait franchi les premières étapes et que le point déjà atteint était très important. Cette fois encore, les discours prononcés par les deux souverains ont été ce qu’on en attendait. Il y a eu cependant, et nous le mentionnons avec plaisir, quelque chose de nouveau et d’inopiné dans ces discours, à savoir l’allusion que le roi Edouard a faite à la Douma, allusion à laquelle l’empereur Nicolas s’est prêté avec un remarquable empressement. « J’ai eu l’occasion, a dit le Roi, de recevoir cette année quelques représentans de la Douma. J’ai à peine besoin de dire quel plaisir ce fut pour moi et pour la Reine de les voir. J’espère que leur séjour ici leur a été agréable. Ils ont eu toutes facilités pourvoir beaucoup de gens et les institutions du pays : j’espère que ce qu’ils ont vu renforcera les bons sentimens existant entre les deux pays. » En tenant ce langage, Edouard VII s’inspirait des sentimens les plus profonds et les plus vifs de l’Angleterre, qui, étant le plus vieux pays constitutionnel de l’Europe et du monde, a regardé longtemps la Russie comme le pays autocratique par excellence, ce qui n’a pas médiocrement contribué à entretenir dans son cœur des préventions contre elle. Mais quoi ! n’est-ce pas l’empereur Nicolas qui a donné une constitution à son peuple ? Si le régime constitutionnel s’implante définitivement en Russie, comme nous l’espérons bien, n’est-ce pas à lui que l’histoire en attribuera l’honneur ? Il n’y avait donc, de la part du roi Edouard, aucune témérité à parler des membres de la Douma comme il l’a fait. On attendait cependant la réponse de l’Empereur. « Puisse l’accueil amical, a-t-il dit, fait par Votre Majesté, par la Reine et par votre peuple aux membres de la Douma, et l’hiver dernier à mon escadre, être le gage de relations cordiales et croissantes, basées sur des intérêts communs et sur une estime mutuelle, entre nos deux pays ! » L’Empereur ne pouvait pas prononcer des paroles plus agréables aux oreilles britanniques. Dans les jours qui ont suivi, il a débarqué sur le sol anglais ; il a vu Osborne ; il y a cherché les souvenirs de la reine Victoria, dont il a tenu à rappeler que l’Impératrice, sa femme, était la petite-fille ; ses enfans ont joué avec ceux du prince de Galles ; il a fait vraiment, avec beaucoup de tact et de bonne grâce, tout ce qui pouvait lui attirer la sympathie de l’Angleterre, et nous ne doutons pas qu’il n’y soit parvenu.