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LE PRINCE DE BÜLOW.

la déclaration de fidélité qu’il exigea et obtint des groupes du Bloc. « Vous venez, lui dit la Gazette de Voss, de vous conduire en ministre parlementaire ! » Ce n’était ni la première, ni la dernière fois que cette inquiétude devait s’exprimer. Et la nature même de la majorité, hybride et disparate, voulait qu’il en fût ainsi. En janvier 1908, le prince de Bülow donna un gage aux conservateurs en déclarant sèchement au Landtag qu’il n’accepterait jamais, pour la Prusse, ni le suffrage universel, ni le vote secret. Huit jours plus tard, il réveilla la fidélité des trois groupes libéraux en leur promettant quelques concessions (loi sur les bourses et droit de réunion). L’attelage commençait cependant à ruer dans les brancards. Des radicaux comme MM. Barth, Frédéric Naumann et le docteur Gothein, attaquaient vivement le gouvernement. La loi sur les réunions n’était votée que grâce à une capitulation des Gauches, qui en gardaient rancune au chancelier. Le Congrès tenu en avril par l’Union libérale allemande et la sécession de M. Barth affaiblissaient plus encore la majorité. Enfin l’entrée de sept socialistes à la Diète prussienne était un échec nouveau pour la politique de M. de Bülow[1]. On sentait le Bloc à la merci d’une brusque rupture. Il fallait, pour ne point le briser, n’y pas toucher. Le chancelier, afin de le mieux préserver, changeait de ministre des Finances, substituant M. Sydow à M. de Stengel. L’impression de malaise et d’insécurité n’en subsistait pas moins.

Cette impression s’aggravait d’ailleurs de l’étrange atmosphère de scandale où vivait l’Allemagne. Un ancien acteur, devenu journaliste, — et journaliste redoutable, — M. Maximilien Harden, jadis instrument et défenseur de Bismarck, plus récemment inspiré par M. de Holstein, qui ne se résignait pas à la retraite où il vivait depuis 1906, avait commencé dans Ia Zukunft une campagne d’insinuations, bientôt précisées, avec une double tendance personnelle et politique. M. Harden laissait entendre, s’il ne l’énonçait explicitement, que plusieurs hauts personnages, le prince Philippe d’Eulenburg, ancien ambassadeur à Vienne, le comte Kuno de Moltke, gouverneur militaire de Berlin, d’autres encore, étaient depuis longtemps adonnés à une forme d’amitié masculine que ne justifient point les précédens empruntés à l’antiquité. M. Harden déclarait d’ailleurs que, s’il

  1. 17 juin 1908.