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tiné à développer les relations pacifiques, pourrait servir aussi à des fins plus graves[1]. » Le 11 mai, il évoque le souvenir des victoires de l’Allemagne, « qui ne cherche d’affaires à personne, mais est prête à se défendre contre tous[2]. » Le Berliner Tageblatt constate « l’oppression » que ces paroles impériales font peser sur le peuple allemand. Le chancelier avait dit : réserve. L’Empereur répond : action. La presse fait écho à l’inquiétude du maître. Et quelques mois plus tard, dans un pressant réquisitoire, la Gazette de Cologne énumère les torts de la France, qui, d’après elle, n’a jamais voulu causer avec l’Allemagne, qui s’est rapprochée de l’Angleterre contre l’Allemagne, qui impose à l’Allemagne le strict devoir d’améliorer sans trêve ses institutions militaires. Dès ce moment, par l’organe de la presse, M. de Bülow évolue vers son souverain et prépare l’accord parfait du patriotisme alarmé.

C’est que sans doute, dans sa pensée, s’opère une cristallisation. L’entente franco-anglaise lui fait voir sous un jour nouveau les événemens de la veille, notamment la réconciliation franco-italienne. Au début, il avait semblé n’avoir cure de ce rapprochement. « Tour de valse, disait-il en souriant, dont un mari sage ne saurait s’émouvoir ! » La visite à Toulon du duc de Gênes en avril 1901, l’accord verbal relatif au Maroc et à Tripoli en décembre 1900, n’ont pas triomphé de sa quiétude. Même en 1902, quand M. Delcassé a dit à la tribune : « Ni directement, ni indirectement la politique de l’Italie n’est par suite de ses alliances dirigée contre la France. Elle ne saurait en aucun cas comporter une menace pour nous, pas plus dans une forme diplomatique que par les protocoles ou stipulations militaires internationales. En aucun cas et sous aucune forme, l’Italie ne pourrait devenir ni l’instrument, ni l’auxiliaire d’une agression contre notre pays, » même alors il a répliqué avec optimisme que sans doute la déclaration de son collègue français signifiait seulement qu’on se rendait compte en France du caractère purement défensif de la Triplice[3]. Au surplus, ajoutait-il, « les accords franco-italiens sur certaines questions méditerranéennes ne sont ni dirigés contre la Triplice, ni placés sur son terrain[4]

  1. Discours de Mayence.
  2. Discours de Saarbrück.
  3. Reichstag, 8 janvier 1902.
  4. Ibid.