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espérance : une volonté plus résolument conciliante aurait fait naître une certitude.

Il en est de même avec l’Angleterre. Ici encore, on note des velléités de détente, rien de plus. En 1907, et en 1908, Édouard VII et Guillaume II se rencontrent. Un membre de la suite du Roi caractérise l’entrevue par ces mots : « Cordialité extrême, surtout à l’arrivée. » On échange des visites, de journalistes à journalistes, de municipalités à municipalités. En novembre 1907, l’Empereur, pour la première fois depuis la mort de la reine Victoria, vient en Angleterre. Le prince de Bülow devait l’accompagner. Il y renonce. Pourquoi ? Parce que les affaires intérieures le retiennent, — c’est la version officielle ; peut-être aussi parce que le Times lui a consacré un article sévère, à peine courtois vis-à-vis d’un hôte probable (octobre 1907). Durant son séjour, qui se prolonge, Guillaume II multiplie les discours obligeans. Au Reichstag, le chancelier commente et amplifie la portée du voyage[1]. Mais les habitudes sont plus fortes que les intentions et chaque incident, si médiocre soit-il, en apporte une preuve nouvelle. L’Empereur écrit-il à lord Tweedmouth, premier lord de l’amirauté britannique, une lettre particulière (mars 1908) pour le rassurer sur l’augmentation de la flotte allemande, décidée par le Bundesrath en 1907[2] ? La presse anglaise proteste aussitôt avec une excessive violence. M. Lloyd George, chancelier de l’Échiquier, aborde-t-il dans un discours à Hambourg (25 août 1908) la question d’une limitation contractuelle des arméniens navals ? C’est au tour des Allemands de jeter les hauts cris. « Pas un cuirassé de moins, » a déjà dit l’Empereur à sir Charles Hardinge, lors de l’entrevue de Hambourg. Le chancelier insiste et, dans une conversation avec un journaliste anglais, il déclare que, pour parler de cette limitation, il faut attendre l’achèvement du programme allemand, qui viendra à terme en 1913[3]. C’est enfin l’interview du Daily Telegraph[4], destinée dans l’esprit de Guillaume II à rassurer l’Angleterre et qui réveille toutes ses défiances. Le prince de Bülow saisit l’occasion : il donne sa démis- (4)

  1. Reichstag, 19 mars 1908.
  2. Bundesrath, 14 novembre 1907.
  3. Standard, 13 septembre 1908.
  4. Cette interview affirmait notamment que, pendant la guerre du Transvaal, la France et la Russie avaient essayé d’entraîner l’Allemagne à une action contre l’Angleterre.