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immédiate, interdire aux petits Japonais l’accès des écoles publiques fréquentées par les blancs ; et d’autre part, l’on ne semblait point songer aux tentatives qui allaient se produire au commencement de 1909 pour refuser à tous les Asiatiques, non plus seulement l’entrée des écoles communes, mais les droits ordinaires de propriété. Quand, interrogé, comme tout voyageur, par les journalistes, je répondais qu’une guerre entre le Japon et l’Amérique serait une calamité pour les deux pays et un attentat contre le progrès humain, on reproduisait ces déclarations comme très naturelles et sans y opposer de contradiction. Quand, à mon tour, je posais des questions sur les Japonais, les réponses qui m’étaient faites respiraient, à défaut de sympathie, certaine impartialité. Si les Chinois étaient parqués dans leur quartier nouvellement reconstruit, nul ne pensait à les y inquiéter, et aucune voie ne semblait plus tranquille que la rue principale où se groupaient leurs petites boutiques, rue toute voisine de notre résidence pauliste et qui portait, comme un signe de banalité beaucoup plus que de menace, le nom peu exotique de Dupont Street. Et si les Japonais qui avaient quitté ces quartiers depuis le tremblement de terre, pour se répandre de divers côtés, continuaient toujours à se grouper entre eux, cependant on ne refusait nulle part de leur louer des maisons que, du reste, ils payaient fort cher ; les Blancs que choquait leur voisinage se bornaient à porter tranquillement leurs pénates ailleurs. Mais ce n’était évidemment là qu’un calme apparent et provisoire. Les ouvriers et les petits marchands continuaient à ressentir et à déplorer les effets de la concurrence jaune. Le mouvement anti-japonais, qui alors battait son plein dans la Colombie britannique, éveillait en Californie de profondes sympathies, et la presse faisait chorus avec les journaux de Vancouver contre l’Asie envahissante. Bref, le feu ne faisait que couver sous la cendre, et à la différence du grand incendie allumé par le tremblement de terre, il n’était pas de ceux qui s’éteignent au bout de quelques jours. On n’était plus en face d’un cataclysme passager, mais d’une cause permanente de troubles, et l’on ne faisait, en réalité, qu’en percevoir les premiers symptômes.


I

Les Américains ont remarqué depuis peu le péril qui les menace. Jusqu’à ces dernières années, le Japon ne leur