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fait des remontrances au Roi, » pour le prier de retirer Ledit. Une pareille décision fut prise bientôt après au sujet des autres réformes, à l’exception d’une seule, la plus insignifiante, la suppression de la caisse de Poissy. Les remontrances furent rédigées, et une députation vint, le 7 mars, en porter le texte à Versailles. La réponse de Louis XVI fut brève : « J’ai examiné les remontrances de mon parlement. Elles ne contiennent rien qui n’eût été prévu et mûrement réfléchi. » Le lendemain vendredi, nouvel envoi de délégués porteurs d’observations nouvelles, que « le Roi, insista le chef de la députation, était prié de vouloir bien lire par lui-même[1]. » Le Roi fut choqué de ce mot, qui semblait, fort injustement, mettre en doute son activité laborieuse. Sa réplique témoigna de son mécontentement. De ce jour, son parti fut pris de recourir, une fois de plus, à l’expédient d’un lit de justice.

Le 12 mars, en effet, le parlement fut mandé à Versailles et tint séance aux pieds du Roi avec l’appareil coutumier. Les princes étaient présens, Monsieur grave et le front soucieux, le Comte d’Artois marquant par des gestes peu mesurés son humeur et son impatience. Un grand nombre de dames étaient assises sur les banquettes, si serrées, rapporte un témoin, que Ion dut exiger qu’elles « quittassent leurs paniers. » Dans l’air qu’on respirait, on sentait comme un vent d’orage ; les passions étaient en éveil, les esprits chauffés et tendus. Dès l’entrée en séance, une altercation éclata entre Choiseul et le prince de Conti, le premier favorable à l’enregistrement, le second adversaire fougueux de la politique de Turgot. Ils en vinrent aux dernières injures, et il les fallut séparer[2]. Cette émotion calmée, Miromesnil prit la parole. Il dut, pour accomplir le devoir de sa charge, justifier les projets qu’il avait si fort combattus. Le premier président d’Aligre parla en sens contraire.

  1. Journal de l’abbé de Véri, passim,
  2. D’après une lettre du sieur Rivière au prince X. de Saxe, le prince de Conti termina ainsi la dispute : « Monsieur de Choiseul, avant d’être en place, vous étiez un étourdi ; quand vous avez été en place, vous avez été un insolent ; et depuis que vous n’y êtes plus, vous êtes un pied-plat. » (Lettre du 22 mars 1776. — Arch. de l’Aube.) — Métra rapporte aussi l’incident en termes presque analogues. « Il n’est pas étonnant, mandait à ce propos le comte de Creutz a Gustave III, que le prince de Conti s’oppose avec tant de violence à la suppression des jurandes, puisqu’il perd par-là le bénéfice de la franchise du Temple et 50 000 livres de rente. » — Lettre du 16 mars 1776, citée dans l’introduction à la Correspondance de Mercy-Argenteau publiée par d’Arneth.