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devons plus, lui écrira l’un d’eux[1], vous tourmenter des reproches dont nous vous avons accablé sur les accessoires répréhensibles de votre abord et de votre maintien. Ni vous ni moi nous ne corrigerons vos défauts… Mon ami, faites le bien comme vous l’entendrez. Ecrivez beaucoup au Roi, car vous écrivez parfaitement, mais vous ne discutez pas de même de vive voix. Agissez dans l’intérêt public, et croulez, si besoin est, pour l’avoir voulu servir avec courage. — Je ne veux que ce que je crois le bien du Roi, répondait le ministre. Il a plus besoin de moi que je n’ai besoin de lui. S’il me renvoie, ou si je le quitte parce que ma besogne deviendra impossible, qu’est-ce que je perds ? » Et il reprenait peu après : « Quand le Roi devrait me congédier demain, je lui dirais aujourd’hui : Voilà, selon moi, ce que vous devez faire. Je ne vous le répéterai pas après-demain, puisque vous ne voulez plus de moi, mais il est de mon devoir de mettre jusque-là cette vérité sous vos yeux. Lorsqu’on n’a pas l’art des ménagemens, concluait-il, la vérité est toujours la meilleure ressource. Si la vérité ne réussit pas, je m’en irai avec elle. »

Un homme qui pense et parle de la sorte se grandit sans doute pour l’avenir, mais il se perd dans le présent. Il nous reste à montrer quelles machinations d’un côté, quelles maladresses de l’autre, allaient, en l’espace de quelques semaines, précipiter le dénouement.


MARQUIS DE SEGUR.

  1. Lettre de l’abbé de Véri à Turbot. — Journal de Véri.