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« Au nom du ciel, faites-moi donner de vos nouvelles, si vous ne pouvez pas m’écrire vous-même. »


1er septembre 1820. — « Je ne me suis pas lassé, mais j’ai eu à démêler ici l’affaire des dames de Bordeaux, que je devais présenter à Mme la duchesse de Berry. La vanité et la sottise des royalistes ont fait manquer une chose agréable pour moi, qui m’était tombée des nues et qui pouvait avoir pour notre [cause] un résultat heureux. De Sèze a voulu présenter la députation, malgré l’opposition des braves femmes qui criaient qu’elles m’avaient choisi pour leur interprète, et que c’était à celui qui avait pleuré sur la tombe à présenter le berceau. Je me suis, comme de coutume, retiré dans mon coin, et j’ai laissé les honneurs à ceux qui les désiraient. Sic vos, non vobis. Les dames avaient déposé le berceau chez moi, et du moins, j’ai gardé vingt-quatre heures la couche de l’héritier de la monarchie.

« Ma santé ne vaut pas grand’chose, mais je voudrais vous donner ce qui m’en reste. Je persiste à croire que vous me survivrez de vingt-cinq à trente ans. Le fond est excellent chez vous, et vos amis vous aimeront tant qu’il vous faudra vivre malgré vous et vos injustices… »


Paris, 3 septembre 1820. — « Votre lettre m’a désolé. J’étranglerais volontiers votre imbécile de médecin, qui vous aura dit ce que vous aurez voulu pour faire valoir ensuite sa science. Il vous guérira. Je le crois bien… et moi aussi, je vous guérirai ; tous vos amis vous guériront, si vous voulez les écouter. Je sais bien que je vous impatiente en vous disant cela, mais je ne puis abonder dans vos injustes frayeurs. Vous croirez, si vous le voulez, que je ne vous aime pas, que c’est par indifférence que je ne vous vois pas aussi mal que vous le croyez. Mais je ne puis mentir à la vérité. Sans doute, vous souffrez et beaucoup, mais vous êtes au fond pleine de vie, je vous l’ai dit cent fois : vous me survivrez de vingt ou trente ans. Que ne donnerais-je pas pour vous persuader de cette grande vérité !…

« Je vous en supplie, calmez-vous. Ne soyez plus injuste envers vos amis. Cela vous fait trop de mal, et à moi aussi. Je vous écrirai. »


Paris, 10 septembre 1820. — « Votre lettre, quoique bien triste