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manquait encore quelque chose, et en mourant il lui a laissé par testament son cœur, à condition qu’il se retirerait du monde. »

Et c’était encore Saint-Cyran qui, par une conséquence logique de ces principes d’abstention, tenait à saint Vincent de Paul des propos qui le scandalisaient : à savoir, par exemple, « que le dessein de Dieu était de ruiner l’Église présente, » de sorte « que ceux qui s’employaient pour la soutenir le faisaient contre le dessein divin. » Il se raillait de ces gens de bien empressés, « pareils aux Pharisiens, » tourmentés d’un zèle si ardent qu’ils couraient la terre et la mer pour faire un prosélyte, » et qui n’en étaient pas moins « très aveugles et très corrompus. » Dans des épigrammes de ce genre, la Compagnie du Saint-Sacrement pouvait bien, dès 1612, voir sa condamnation.

Au fond, il y avait, entre sa conception de la vie chrétienne et celle des Jansénistes, une divergence irrémédiable, entre leur méthode et leur esprit une incurable incompatibilité. Si la Compagnie du Saint-Sacrement se montra toujours hostile au Jansénisme, c’est que, dès l’abord, elle reconnut en lui une concurrence dogmatiquement hostile à ses efforts, dédaigneuse de ses projets, propre à détruire par son scepticisme le bien qu’elle voulait faire, et que souvent elle fit. Et si le nom des hommes de Port-Royal figure au premier rang de ceux qui détruisirent une compagnie que, pourtant, plusieurs d’entre eux avaient contribué à fonder et à développer, c’est que Port-Royal détestait dans ces « zélés » les soutiens importuns d’une Église dont la rénovation ne pouvait se faire, selon eux, que par une révolution radicale de, l’esprit chrétien, et par la substitution d’une haine raisonnée de la nature et du monde à toutes ces charités empressées, gestes vains, selon eux, d’une piété inintelligente, complaisances détestables d’un paganisme inconscient.

Dans une dernière étude nous, verrons comment la Compagnie du Saint-Sacrement mit aussi contre elle les « politiques. »


Alfred Rébelliau.