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Riff lui font cruellement sentir l’impuissance de son gouvernement à remplir son propre office ; mais est-ce notre faute ? est-ce celle de l’Espagne ? Pour être juste, il faut dire que ce n’est peut-être pas non plus la sienne, car il a hérité d’une situation difficile dont il n’est pas responsable : aussi la sévérité que lui témoignent certains journaux serait-elle inexplicable si elle ne provenait pas d’intentions encore secrètes, qui semblent d’ailleurs assez près de se dévoiler. Quoi qu’il en soit, le Sultan a saisi les puissances d’une protestation contre l’expédition espagnole et ses extensions probables, qu’il dénonce dans les mêmes termes que les coloniaux français ou allemands. C’est un véritable réquisitoire. Il est d’ailleurs assez habile dans quelques-unes de ses parties ; certains détails en sont peut-être à retenir ; mais il était impossible que l’Europe, et surtout que la France, s’associassent à ses conclusions. Comment aurions-nous pu trouver incorrect que l’Espagne fit ce que nous avons fait nous-mêmes, et ce que nous referions si l’obligation nous en était imposée ? Comment une fois de plus aurions-nous pu ne pas tenir compte des loyales assurances qui nous avaient été données ? Nous avons pris l’initiative de la réponse à faire à la note chérifienne, et cette réponse, à laquelle les autres puissances se sont successivement ralliées, a été catégorique : elle a consisté à dire que l’Acte d’Algésiras n’avait rien à voir dans l’expédition espagnole, et que l’affaire n’intéressait que l’Espagne et le Maroc. L’Acte d’Algésiras a, en effet, garanti au Sultan l’intégrité de son territoire, mais l’Espagne n’a pas porté atteinte à cette intégrité : elle s’est seulement livrée à une opération de police rendue nécessaire par le massacre de ses nationaux. C’était son droit, son devoir même, et dans cette tâche les sympathies du monde civilisé devaient l’accompagner. L’initiative prise sans hésitation par notre gouvernement montre qu’il a compris la chose ainsi, et il ne pouvait pas la comprendre autrement.

On a parlé à ce propos d’arrangemens secrets conclus entre l’Espagne et nous, qui nous obligeraient à lui laisser toute sa liberté d’action dans une certaine zone, à condition de réciprocité dans une autre. Il est possible que ces arrangemens existent, mais ils n’ont pas été publiés et nous les ignorons. C’est d’ailleurs une question de savoir si, antérieurs à l’Acte d’Algésiras, ils n’ont pas été remplacés par lui, en vertu d’une de ces substitutions qu’on appelle en droit une novation. Au surplus, peu importe. Les arrangemens dont il s’agit n’ont rien à faire ici. Ils obligent sans doute la France et l’Espagne à des ménagemens particuliers l’une pour l’autre dans