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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/958

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pu croire à Constantinople que Hakky Pacha avait réussi à associer le chef de l’armée à sa responsabilité : il est difficile, à Athènes, de porter le même jugement sur M. Dragoumis.

Ce serait cependant une erreur de penser qu’il n’y a rien de changé à Athènes, et qu’il y a seulement un ministère de plus. Ce ministère est né dans des conditions bien peu rassurantes : on a mis l’outre d’Éole dans le portefeuille de M. Dragoumis. Il a été effectivement décidé que, la Constitution hellénique ayant besoin d’être remisée, une Assemblée nationale serait chargée de cette mission. La réunion d’une Assemblée nationale en ce moment est à peu près le seul malheur qui manquât à la Grèce. Le danger d’une pareille mesure est si évident qu’on a été étonné d’apprendre que des hommes politiques sérieux, comme MM. Théotokis et Rhallys, y avaient donné leur approbation. Le Roi a fait de même, mais le Roi consent à tout : peut-il faire autrement ? Le jour où il résistera, il sera brisé ; sa seule chance de salut est d’attendre avec une patience inépuisable que le mouvement soit épuisé ; s’il surnage jusque-là, peut-être réussira-t-il à reprendre pied. Pour en revenir à l’Assemblée nationale, où est l’utilité, la nécessité d’y recourir ? La seule raison qu’on en ait donnée dans les journaux est que la Ligue militaire, qui regarde sans doute comme au-dessous de sa dignité d’abdiquer entre les mains d’une assemblée ordinaire, a promis de le faire entre celles de l’Assemblée nationale. S’il en est ainsi, a-t-on répété de tous côtés, empressons-nous de réunir l’Assemblée nationale ! Qu’on la réunisse donc et advienne que pourra ; mais nous serions bien surpris si la Ligue militaire se dissolvait, comme elle s’y est engagée, le jour où l’Assemblée entrera en session. La seule chose sûre, et que nul ne conteste, est que la réunion d’une telle Assemblée, dans les conditions où] on la propose, est un acte inconstitutionnel, car, pour que la Constitution soit revisée, il faut que les deux assemblées législatives l’aient successivement demandé. Commencer par violer une constitution pour lare viser ensuite, est un procédé singulier. Le temps manquerait-il donc pour se conformer aux rites consacrés ? On aurait pu le croire, il y a quelques jours, on ne le peut plus aujourd’hui : on a décidé, en effet, nous allons le voir dans un moment, que l’Assemblée nationale ne se réunirait qu’à la fin de l’année. La Chambre actuelle arrive dans quelques semaines à l’expiration de ses pouvoirs ; il serait facile, après lui avoir fait voter la revision, d’en réunir une autre qui exprimerait pour la seconde fois et définitivement la volonté du pays sur cette question. Pourquoi ne pas procéder ainsi ? Pourquoi habituer le pays à marcher