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droite ? Ginette la conseillait pour ses robes avec un art parfait. El pouvait-il se priver des avantages que lui valait l’amitié de Hélyotte, futur ministre ? Ce sont là concessions inévitables de la vie de Paris, et pour lesquelles il sied d’avoir le sourire. Ce sourire, ce fut à Ginette qu’il le décocha, en acceptant la tasse de café qu’elle lui présentait :

— Vous êtes adorable, ce soir, murmura-t-il.

— Ce soir seulement ?

Malicieuse, elle pirouetta, tandis qu’il suivait des yeux le rythme de ses formes harmonieuses. Il songeait, — pendant que Comeau-Pierres l’entretenait d’une affaire qu’il écoutait mal, — qu’un gibier fin comme Ginette aurait une autre saveur que les aventures d’Hossegor, Elle valait le risque. Et dès qu’il put quitter son interlocuteur et se rapprocher d’elle dans un boudoir écarté, nettement il lui fit entendre combien elle lui plaisait, certain presque de ne pas l’offenser. Elle le prit en effet si bien qu’elle se mit à rire :

— Oh ! mon bon Maurice, — eux aussi s’appelaient par leurs petils noms, — vous me faites grand plaisir, car la conquête d’un homme comme vous serait bien flatteuse pour une écervelée comme moi.

— Ne vous moquez pas, murmura-t-il.

— Si, si, pourquoi ferais-je des embarras ? Je vous le dis, parce que cela est : vous me plaisez aussi beaucoup, beaucoup !

— Vrai ! quel bonheur !

— Seulement, c’est impossible.

— Ginette, voyons !…

— Non, non, je ne me fais pas meilleure que je suis. Tout T)our ma fantaisie, c’est ma devise : le saviez-vous ? Le scrupule ne m’embarrasse pas. Non, mais voyez-vous, mon petit Maurice, vous seriez très malheureux.

— Ne dites pas cela. Je vous aime.

— Vous ne m’aimez pas ! Votre caprice passé, vous reviendriez très vite à Gabrielle, et c’est d’ailleurs ce que vous aurie’^ de mieux à faire. Mais moi, quel rôle aurais-je là dedans ? Ma vanité… On a sa fierté, mon cher !

— Ne vous calomniez pas. Qui vous a connue ne peut vous oublier…

— Le grand amour, alors ? Justement, je vous crois très capable de l’éprouver. Je dis plus : c’est le seul qu’un homme