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REVUE. — CHRONIQUE.

insisté beaucoup sur ce point, parce qu’on lui a expliqué, en invoquant le motif indiqué plus haut, que les déclarations de, succession ayant six mois pour se produire, le droit nouveau n’aurait son plein effet en 1911 que s’il était voté six mois avant l’ouverture du nouvel exercice. On aurait même pu ajouter que, dans le cas assez vraisemblable où cet exercice débuterait lui aussi par des douzièmes provisoires, il y aurait encore de ce chef du temps et de l’argent perdus. Mais l’intérêt était ailleurs.

Dans le projet sur les retraites ouvrières, le Sénat a introduit sagement un article 25 en vertu duquel la loi ne sera appliquée que lorsque les ressources nécessaires auront été créées : il serait à désirer qu’une précaution de ce genre fût introduite dans toutes les lois qui augmentent sensiblement les dépenses. M. Jaurès a feint de croire que cette stipulation, rapprochée de celle qui affectait d’avance l’accroissement des droits successoraux aux retraites ouvrières, créait dans le budget général un budget spécial où dépenses et recettes se faisaient vis-à-vis, et portait dès lors atteinte au principe de l’unité budgétaire. Bien loin de s’en plaindre, il s’en réjouissait, sans se priver cependant d’exercer son ironie contre le Sénat qui le premier, inconsciemment sans doute, avait porté la main sur l’arche sainte. L’observation aurait pu avoir quelque justesse si le Sénat s’était livré à la double opération d’esprit où se complaisait M. Jaurès et si, après avoir dit que la loi sur les retraites ouvrières n’aurait son effet que lorsque les ressources correspondantes auraient été créées, il avait ajouté que seuls les droits successoraux fourniraient ces ressources. Mais le Sénat n’a rien dit de pareil ; il n’a pas fait de cases, ni de compartimens dans le budget ; il n’a pas spécialisé les ressources qui devraient pourvoir aux retraites ouvrières ; en un mot, il n’a porté aucune atteinte au principe de l’unité budgétaire. Ce principe a été énoncé en termes excellens par M. le ministre des Finances lorsqu’il a dit que l’ensemble des recettes devait servir à l’ensemble des dépenses ; malheureusement, après avoir si bien formulé le principe, il a quelque peu louvoyé ensuite ; mais la Commission du budget l’a fait bien davantage ! Le rapporteur général, M. Doumer, a présenté à la Chambre et lui a fait voter un texte ainsi conçu : « Il sera fait état, dans les dispositions législatives créant les ressources nécessaires à l’exécution du projet de loi sur les retraites ouvrières et paysannes, de la totalité des produits résultant de l’augmentation des droits sur les successions et donations. » Et il a même ajouté : « Les dispositions législatives prévues au paragraphe précé-