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ses bâtimens avaient d’autant plus besoin de réparations qu’ils avaient été plus mal entretenus sous le règne précédent ; mais la pénurie d’argent et aussi une indifférence complète de la Cour aggravèrent encore la situation. Cependant un ministre consciencieux et énergique, le comte d’Angivillier, qui avait, à la mort de Louis XV, la surintendance des Bâtimens du Roi, essaya de la sauver de la ruine ; mais ses efforts ne produisirent que des résultats incomplets et insuffisans. La ménagerie était réellement sur son déclin. Elle servait toujours de lieu de promenade au public ; des personnages illustres, l’empereur Joseph II, le Grand-Duc, depuis Paul Ier, et sa femme, vinrent la visiter ; mais la mode n’y était plus. La baronne d’Oberkirck, qui accompagnait les visiteurs russes, raconte dans ses Mémoires que la Grande-Duchesse s’étonna de ne trouver dans la ménagerie qu’un petit nombre d’animaux rares, M. de Mackau lui répondit : « Que voulez-vous qu’on en fasse ici ? N’y a-t-il pas assez de courtisans ? »


Lorsque Louis XVI abandonna Versailles le 6 octobre 1789, les dépenses de la ménagerie furent rattachées à la liste civile du Roi et l’on fit exécuter encore, pendant quelque temps, dans les cours de la ménagerie, des travaux extraordinaires de nettoyage et de réparation.

Le personnel de la ménagerie se composait alors, comme membres dirigeans, du gouverneur Laroche et d’un inspecteur nommé Laimant. Il y avait en sous-ordres : deux gardiens d’animaux payés chacun 900 livres, un garçon surnuméraire payé 300 livres, le suisse de la porte, le jardinier Crosnier et un « frotteur balayeur. » Le capitaine-gouverneur Laroche, dont nous connaissons déjà le goût pour les dindons, avait fait monter sa famille de la plus vulgaire roture jusqu’auprès des marches du trône ; il s’était apparenté au duc de Villequier par la deuxième femme du duc, Mlle de Mazade, et, comme il était chevalier de Saint-Louis, il avait le droit d’assister au coucher du Roi, ce à quoi il ne manquait jamais. Il arrivait, nous dit un des pages de Louis XVI, « bien galonné et aussi chargé de bagues et de diamans qu’un financier ; » mais la fréquentation continuelle des animaux avait trop fortement agi sur lui ; « c’était l’être le plus sale qu’on pût rencontrer et jamais sanglier dans sa bauge ne laissa échapper d’odeurs aussi fétides. » Aussi les jeunes