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I. — LA TAILLE

On sait qu’au temps de l’ancienne monarchie, la taille constituait une imposition directe levée sur les classes non privilégiées du royaume. La noblesse, le clergé, la haute bourgeoisie, tout ce qui occupait dans l’Etat une place prépondérante par la naissance, les fonctions, la fortune, se trouvait exempté de l’impôt dont le poids retombait exclusivement sur les populations laborieuses des villes et des campagnes. Depuis la suppression des Etats Généraux, le montant de la taille était arrêté chaque année par le Roi en son Conseil et réparti entre les provinces suivant les renseignemens plus ou moins précis recueillis sur l’état de la population, la fertilité du sol, l’abondance des récoltes. Le soin de déterminer les contingens afférens aux élections et paroisses incombait aux intendans, subdélégués et élus qui, faute de bases certaines, étaient obligés d’opérer la répartition d’après des méthodes purement empiriques.

Pourvu que le produit en fût exactement recouvré, l’administration des finances se désintéressait de l’assiette de l’impôt et laissait aux autorités locales la plus large initiative. Il en résultait que la taille était loin d’être établie d’une façon uniforme par toute la France. Suivant les provinces, elle était tantôt réelle, — c’est-à-dire établie uniquement sur les biens fonds, — tantôt personnelle, c’est-à-dire perçue sur les personnes à raison de l’ensemble de leurs facultés : biens meubles et immeubles, commerce et industrie. Le premier système fonctionnait dans les pays d’Etat qui, jaloux de leur indépendance et désireux d’épargner à leurs commettans toute contestation avec les agens du fisc, avaient cherché à rendre l’impôt impersonnel et à lui enlever tout caractère vexatoire. Le deuxième était en vigueur dans la presque totalité des pays d’Election, c’est-à-dire dans les trois quarts du royaume environ, où, par suite de l’absence d’institutions représentatives, les intendans disposaient d’un pouvoir quasi discrétionnaire. Nous ne nous occuperons pas ici de la taille réelle ; elle présentait les plus grandes analogies avec notre contribution foncière, et, malgré la défectuosité des plans cadastraux, elle a pu subsister jusqu’à la Révolution sans soulever